Jan Bucquoy illustrated 1968-2009
de l'année érotique à l'année du rat
100Titres/Yellow Now, 2009  Nederlands - English

Seulement les textes sont repris, avec l'accord de Jan Bucquoy
Commander le livre: 100titres@gmail.com / guy.jungblut@teledisnet.be

  

Table de matières

 
 

Titre
Table de matières

Jan Bucquoy  

Transgressions
Estéthique 
Pourquoi une retrospective

Corinne Maier  

Plus belge que Bucquoy, tu meurs

Jan  Bucquoy  

Enfance
Culture flamande, culture française
Le son et l'image
Premiers happenings
Père et mère
Avoir une notoriété pour peser sur la société
Collages
Études de théâtre et mouvement situationniste
Études de cinéma
BD détournées
Scénarios de BD
Premiers écrits, premiers théâtres
Premières critiques, premières censures
Les paysages
Dol et Belge
 
TV en direct
Musée du slip
Musée de la femme
Les films
François Coadou  Jan Bucquoy - L'art comme si c'était la vie même / La vie même comme si c'était l'art
Jan  Bucquoy  Occupations
Théophile de Giraud  L'obsédé du coup de hache sur la tête de l'État

Jan  Bucquoy 

Art, explication d'un principe
Jusqu'au néant
Retour au procédé
Anarchie
Anarchie et art

Théophile de Giraud 

Voyage au centre du cerveau d'un belgitateur

Paul Ilegems 

Le phénomène Jan Bucquoy

Jan  Bucquoy 

Perspectives?

Jan  Bucquoy

Jan  Bucquoy
Discographie
Expositions
Filmographie
Happenings
Théâtre et One Man Show
Textes et bandes dessinées
  

 

Soutien

 

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Transgressions

II y a trois formes de transgression : la sexualité, le délire et la politique. Si on peut réunir les trois, on attaque sur les trois fronts.

 

Esthétique

L'esthétique est à l'art ce que les morpions sont à l'amour. Je préfère l'électrochoc du coup de poing dans la gueule qui me dit réveille-toi, tu es train de t'endormir. Pour moi, le message primera toujours sur le massage.

 

Pourquoi une rétrospective ?

Parce qu'aujourd'hui la Belgique, ma compagne depuis quarante ans,me quitte.Toutes des salopes.Une peuplade étiquetée belge s'est fissurée en sous-tribus. La Belgique n'est plus apte à reconnaître l'objet Belgique comme fai­sant partie de sa culture. Le pays est divisé et je ne peux parler à partir d'une culture divisée.Œuvrer de façon spé­cifique avec les flamands, les francophones, les germano­phones m'est impossible.

La rétrospective met un point final à quarante ans d'ef­fritement du pays. La messe est dite. Salut en de kost. Comme je ne peux pas revenir en arrière, je m'auto-condamne à l'exil sans le royaume. Avec comme seul et unique espoir la certitude que l'esprit belge est expor­table.

 

Plus belge que Bucquoy, tu meurs

Jan Bucquoy est belge jusqu'au bout des ongles. On le croirait trempé dans les couleurs de son pays. D'abord il en maîtrise les trois langues, qu'il mélange pour créer son propre langage, et puis il fait fonds de toutes ses références culturelles, tous ses symboles, qu'il détourne et transforme avec allégresse.Toute son œuvre transpire la Belgique -à moins que ce ne soit elle qui respire par lui.

C'est d'abord la Belgique politique dont il remet en question avec férocité les icônes et le fonctionnement. À son corps défendant, le roi fait bien entendu les frais de son alacrité : Baudouin et Fabiola se sont vus ridiculiser par les peintures et les collages de Bucquoy (portrait de Fabiola avec tampon hygiénique en sautoir, Baudouin affublé d'un slip en guise de couvre-chef). Notre fauteur de trouble, qui n'a pas froid aux yeux, va jusqu'à décapiter une statue du roi sur la Grand-Place de Bruxelles (1992) ; les gardiens de l'ordre n'apprécient pas, et la police intervient pour ré­tablir l'ordre - ce qui donne, bien sûr, une dimension publique au happening. Ce n'est pas la mariée mise à nu par ses célibataires, c'est la famille royale mise à nu par son fou.

Le roi est nu. Bientôt, il n'est plus que le symbole bien fragile d'un pays tiraillé par des forces centripètes. Car, incon­testablement, Bucquoy aura contribué à déboulonner la monarchie par ses attaques répétées. Mais la royauté n'est pas la seule à s'en prendre plein la figure. La politique aussi. Dans son film la Vie politique des Belges (1998), le cinéaste transforme en véritable road movie l'improbable campagne électorale de deux partis picrocholins. À travers eux, toutes les difficultés et les impasses de la vie politique belge sont mises en lumière : émiettement des enjeux, crise d'identité. La démocratie, ça sert à quoi ? s'interroge Bucquoy.

Lui détient la réponse : elle sert à en interroger les possibles et à en explorer les limites. Dans sa revue Belge (Dol, dans sa version flamande), née au début des années 1990, Bucquoy attaque la bienséance et les croyances établies de ces bourgeois belges qu'il fustige. Le pouvoir, les politiques, les idées reçues, tout y passe. « Pire que Hara-Kiri », voici le compliment acide que lui a fait une presse française mi-amusée, mi-effrayée. L'expérience « belge » ne dure que ce que durent les roses (c'était la couleur de son papier) : à peine un an. À force de saisies et de mises à l'encan, elle fi­nira à la trappe, mais non sans avoir frappé durablement les imaginations.

C'est aussi la Belgique géographique que Bucquoy revisite au pas de charge. « Être Belge, c'est être rien », écrit-il dans son livre autobiographique La vie est belge (2007). Pourtant... Les plages d'Ostende se voient magnifiées dans sa bande dessinée le Bal du rat mort ( 1980). La beauté de la côte belge joue un rôle de premier plan dans son film Camping Cos­mos (1996). C'est le dialecte flamand de sa ville natale, Harelbeke, qui s'affirme le personnage principal de Friday Fishday (2008). On pourrait multiplier les exemples : c'est que la Belgique est partout avec Bucquoy. Elle est partout et hors d'elle-même. Dans les Vacances de Noël (2005), Noël Godin et une bande de déjantés magnifiques viennent échouer (dans les deux sens du terme) au Festival de Cannes. C'est un concentré de belgitude qui s'égaie sur la Croi-sette. La Belgique en intention et en extension, c'est tout Bucquoy.

Voilà la Belgique moulinée dans le kaléidoscope bucquoyen. Mais Bruxelles est le milieu naturel de l'artiste. C'est le pavé de cette ville qui est témoin de ses spectaculaires coups d'État annuels (2005,2006,2007,2008).Tous les 21 mai, le séditieux tente de prendre le Palais royal, accompagné de ses fidèles complices Arne Baillière et Théophile de

Giraud, et parfois d'un Noël Godin en goguette. « Le pouvoir vous appartient », hurle-t-il aux Bruxellois. Peine per­due, ceux-ci ont autre chose à faire, travailler par exemple. Le travail ? Un mot à bannir devant Bucquoy : Vade retro, satanas. C'est qu'il a des choses plus urgentes à faire : changer le monde, par exemple.

Bruxelles est sa ville ; dans ses films la Vie sexuelle des Belges I (1994), la Jouissance des hystériques (2000), ou encore dans son livre La vie est belge, elle apparaît en autant d'échappées (belles). Un tram, des ciels, quelques rues, un café, une maison en brique, le décor est planté. Sans oublier l'université, le Palais de justice : la première mène parfois à l'autre, mais pas toujours à la place qu'on croit. Et les usines, celle de Renault-Vilvoorde,dans Fermeture de l'usine Re­nault à Vilvoorde (1998). C'est tout, et tout y est. Ses extérieurs sont autant de lignes de fuite. Une fuite qui porte la marque de Jan Bucquoy puisque, poursuivi par les huissiers, il ne cesse de changer de domicile : il a eu des dizaines d'adresses dans la « vraie vie ». Une « vraie vie » qui déménage, où il est difficile de faire la part de la légende et de la vérité. Mais peu importe : les deux ne sont-elles pas des créations ?

L'identité de Bruxelles se déploie presque en creux dans son œuvre, discrètement, sans frime mais non sans effet(s). Et elle ne s'exprime jamais mieux qu'au Dolle Mol, ce lieu fétiche proche de la Grand-Place, rue des Éperonniers. Un bar où Bucquoy est arrivé pour boire une bière en 1970 et qu'il s'est progressivement approprié. Il en aura été le client, l'animateur culturel, l'occupant insoumis et illégal (2006), et finalement le maître des lieux grâce à une sub­vention du ministère de la Culture flamand (2007-2008). Le Dolle Mol (« taupe enragée »), c'est bien plus qu'un café ; c'est un lieu culturel où s'est croisée toute l'intelligentsia des seventies, c'est « la base de l'insurrection au cœur de la ville » (sic), mais c'est aussi une improbable télévision, dollemol.be. Le Dolle Mol est l'écrin de Bucquoy, son véritable musée peut-être.

Bucquoy est belge, aussi et surtout, par les références. Magritte, dont il brûle une toile ( 1991 ) : vraie ou fausse ? Nul ne saura jamais le fin mot de l'histoire : peu importe, du reste. Et puis le surréaliste Marcel Mariën, qui l'a adoubé comme son seul héritier. Bucquoy lui adresse de multiples clins d'œil en exerçant les mêmes métiers : dans le désordre (forcément) bouquiniste, poète, cinéaste, photographe, contrebandier et fauteur de troubles en tout genre. Enfin, Bucquoy s'est choisi pour alter ego Till l'Espiègle, ce héros littéraire irrespectueux qui met à nu les semblants de la so­ciété en défiant les puissants.

Notre artiste utilise les symboles de la belgitude. Sur sa palette se déploient les couleurs du drapeau belge, recom­posées sous forme de paysages (Paysages belges, 2007). Rouge-jaune-noir, ça saute aux yeux, la Belgique est là. Bucquoy détourne aussi le Manneken Pis, cette célèbre fontaine bruxelloise qui représente un petit garçon urinant. Ce dernier se voit revisité sous la forme d'un calendrier (1998) où notre artiste s'exhibe nu, le sexe à l'air. Il faut oser. Manneken Pis et Manneken Bucquoy, même combat, celui de l'indépendance d'esprit et du défi. Dans la besace de Bucquoy il y a aussi, forcément, la frite, cette apothéose de la belgitude. Il lui consacre un musée itinérant dans les an­nées 1980 (en collaboration avec Paul Ilegems, Jeff Meert, Jo Cauwenberg). La frite, une œuvre d'art ? Bucquoy le prouve en la faisant frire dans ses happenings consacrés à la Belgique. La frite n'est-elle pas le débris insolite d'une planète lointaine et mystérieuse ? Ses photos de patates (2007) détournent ces féculents sous forme d'aérolithes pla­nants. Hallucinant.

Bucquoy ne manque pas de références. Mais référence n'est pas révérence, car cette dernière n'est pas le genre de la maison. « À poil » serait plutôt son cri de guerre. Tintin, Lucky Luke et les Schtroumpfs, nés de créateurs belges, peuvent trembler sur leurs lignes claires. L'artiste réinterprète et détourne leurs aventures dans la série de bandes dessinées « La Vie sexuelle ». Finis, les storyboards bien torchés et tout public.Voilà ces personnages jusque-là asexués qui se livrent au stupre et à la débauche sous l'œil narquois de leur suborneur. Mais au nom de quelle rage, de quelle colère, faut-il dénuder ainsi les appa­rences ? Pourquoi se transformer en bédéiste porno-graphe ? C'est que désacraliser est la première étape vers la liberté. Et puis, c'est une manière libertaire d'affirmer qu'aucune pureté n'est innocente. Enfin, n'incombe-t-il pas au créateur d'inverser la perspective pour pousser le spectateur, non pas à voir, mais à regarder ?

Bucquoy mérite bien l'étiquette 100% belge, estampillée des trois couleurs, noir-jaune-rouge, du drapeau. Plus belge que Bucquoy, tu meurs - mais pour l'instant, c'est la Belgique qui meurt. La faute à Bucquoy ? S'il a contri­bué à ébranler son pays par son action de saboteur, c'est pour mieux le recréer par son travail d'artiste. Quand la Belgique n'existera plus en tant qu'État, elle sera magni­fiée sous la forme d'une œuvre d'art, celle imaginée par notre trublion. Et cette nation-création évoquera avec superbe le pays perdu dont l'artiste aura prophétisé la fin. Bye-Bye Belgium, bonjour Bucquoy.

Corinne Maier

 

Enfance

On est à Harelbeke ville populaire, peuplée de bâtisseurs. On y trouve tous les métiers du bâtiment : maçons, plâ­triers, électriciens, menuisiers, etc. Dans ma famille, on est spécialistes des escaliers en bois, en plusieurs volées, destinés aux grandes maisons.

Dans ma rue, il y avait cent cinquante cafés qui servaient des demi-litres de bière brune, vingt-cinq brasseurs qui produisaient de la bière au fût, avant que n'arrive de la pils de Tchécoslovaquie.

En face de chez moi, le café de ma grand-mère, avec le côté fellinien des gens qui se saoulaient.gueulaient contre la lune. Une force incroyable à faire rire les autres et à n'avoir au­cune prétention. Une forme d'humilité par rapport à ce qu'on est. J'ai été baigné là-dedans, je l'ai apprise là. À Harelbeke, on ne louvoyait pas :on disait ce qu'on pen­sait. Ce côté direct et brut m'est resté, particulièrement dans les œuvres où rien n'est ni esquivé ni refoulé.

Culture flamande, culture française

J'ai eu une éducation en flamand,mais avec une proximité de la France, oasis de culture, de raffinement, d'analyse politique, un regard admirateur en direction des philo­sophes et des écrivains. La France est à vingt kilomètres. Pour les gens de là-bas, la France c'est surtout le travail bien payé et le Picon.

Chez moi, cela se traduit par un combat entre ce que je voyais et ce que j'imaginais. D'une part le côté brut des flamands et de l'autre, un pays plus raffiné : la France. Du raffinement, j'en suis très vite revenu. Je me suis rendu compte que je me retrouve mieux dans les rencontres des grandes bières artisanales que dans les galeries d'art ! Quand je vois des expos où l'humour est presentje m'y retrouve, Quand c'est intello,je fuis.Je fuis ce qui est figé, abstrait branlette,s'affirme comme autorité intellectuelle mal placée, qui prétend voir et comprendre l'origine et le but de l'univers. Pour cela, il vaut mieux relire Einstein plutôt que de se fier à l'art branché. J'en ai marre de la vulgarisation philosophique et scientifique revue par des artistes. Ce qui manque surtout dans le monde de l'art, c'est l'humilité. L'art, c'est inviter les gens à se libérer des manipulations quotidiennes, sortir de l'aliénation tout en sachant que la route est longue et difficile, et le guide sou­vent peu expérimenté, « comme aurait pu dire Mao ».

Le son et l'image

Avant l'image, avant la télé, c'est la radio. La radio, c'est l'ouverture. À l'époque, c'est une culture peu contrôlée par les autorités, l'image l'étant d'autant plus. L'oral est beaucoup moins dans le sacré, le discours est plus libre que l'écrit et l'image.

L'introduction du rock'n roll a agit comme libératrice de la parole et du corps alors qu'auparavant tout était trop rigide. Je suis passé des opérettes de Johann Strauss au rock'n roll. Là-dessus se greffent Radio Luxembourg International, Europe I et les radios anglaises (Caroline, Veronica, Atlantic, venues des eaux extraterritoriales avec des musiques qu'on n'entendait pas sur les ondes nationales.)

Quant à l'image, c'est la découverte de l'école de Marci-nelle, assez libertaire : Franquin (Spirou), puis, à l'opposé, la ligne claire d'Hergé, boy-scout, catholique et collabo. La ligne ronde tout en mouvement de Franquin opposée à la ligne claire et figée d'Hergé. Avec une simple ligne, sans hachure et sans perspective, un dessin d'enfant ou même un dessin naïf, presque psychotique, on pouvait clairement représenter le monde. Je l'ai réutilisée beau­coup plus tard, dans une série de portraits de la famille royale belge.

Mais il n'y a pas moyen de faire une parodie de Gaston. Le choc viendra avec Tintin et sa vie invraisemblable, sans maman et sans papa, aucune femme, une espèce d'amitié légèrement homosexuelle, virile, sans plus, où même la Castafiore ressemble à un travesti. D'un côté l'univers de Marcinelle, l'anar Gaston et de l'autre celui d'Hergé, le collabo.

C'est par la bande dessinée que j'ai appris à lire. Dans les histoires deVikings (Erik le Normand) parues dans le jour­nal Het Laatste Nieuws.Si bien qu'arrivé à l'école primaire, je savais lire.Très autodidacte, je recopie les BD dès huit ans, mais je suis aussi influencé par Picasso, donc je re­copie Guernica. Picasso, c'est aussi une sorte de ligne claire à trois dimensions par son cubisme, par sa façon de cou­per les angles et de créer des perspectives avec des aplats. Plus tard, je découvre le cinéma avec une petite caméra 8 mm avec laquelle je faisais de petits films. La BD d'abord, le film ensuite. Mais il y avait aussi l'écriture. Je publiais de la poésie dès 8-10 ans : des poèmes d'amour que je donnais aux filles. C'était une façon de draguer, mais très vite j'ai compris que cela ne fonctionnait pas très bien.

Premiers happenings

On faisait du Flower Power avant la lettre. Le père d'un co­pain cultivait des fleurs sous serres et quand elles ne pou­vaient plus être vendues,on les offrait aux habitants. C'est là que j'ai compris que le don pouvait offrir des moments de bonheur. C'était rare pour ces gens peu habitués aux cadeaux. Je comprenais que donner, c'est recevoir et que pour la drague, cela marchait mieux qu'avec les poèmes. À l'arrivée de la télé, la vie change. Avec un copain on passait en auto avec un haut parleur et on interpellait les gens en leur déclarant : « Jetez votre télé. » Dès 1960, les gens s'achètent la télé et ne sortent plus, les cafés vont fermer. Les appels à la révolte ne fonctionnaient pas, les fleurs c'était mieux. Les distributions de fleurs, les appels au rejet de la télé c'étaient des happenings avant la lettre. Quant au théâtre, il fallait le faire dans la rue pour être audible.

Il y en avait d'autres : utiliser les drapeaux des pays com­munistes que je mettais sur un mât à la fenêtre de la maison, mais je finissais toujours par faire mes propres dra­peaux. Ceux que je faisais moi-même étaient inspirés des pages consacrées aux drapeaux dans le Petit Larousse illus­tré, ce qui m'influencera plus tard dans ma série de dra­peaux belges, réalisés à l'huile et où se mélangent le rouge, le jaune et le noir. Refaire les pays à travers une imagerie de couleur.Je réinventais le drapeau de la Hollande avec la couleur nationale l'orange, alors qu'il n'y a pas cette couleur dans le drapeau, et avec du bleu dans la mesure où c'est un pays reconquis sur l'eau. Repenser le terri­toire : d'où l'idée de concevoir de nouveaux drapeaux pour les pays et leurs ambassades. Une façon d'envisager ma maison comme une ambassade du monde. Cela in­triguait, cela interpellait. Je comprenais qu'il fallait aller au-delà de la représentation classique. Nier la culture do­minante pour réinventer le monde. Non seulement la carte n'était pas le territoire, mais en modifiant la carte, on pouvait recréer le territoire.

Père et mère

Le football plaisait à mon père pour le jeu et pour la com­pétition. Après le match, c'était le café. Ça me donnait l'impression d'être accepté. C'était un moyen d'être in­tégré dans une communauté autre que le travail ou l'église. Je comprenais que le jeu en général pouvait ras­sembler et raccommoder les gens. Le jeu et le hasard al­laient un jour devenir la proposition artistique centrale de ma démarche.

Mon père ne croyait en rien. Il était antiroyaliste et com­muniste. Ce qu'il me proposait, c'était jouer au foot et avoir un boulot chez un fournisseur d'électricité comme lui, un boulot bien payé. J'ai même passé l'examen d'en­trée puisqu'on le proposait aux enfants des employés. Des examens pro forma puisqu'on donnait les réponses à l'avance ! Avec la psychologue, j'ai parlé de l'existentia­lisme de Sartre ! C'était pour cela que ma candidature a été refusée. Mon père était furieux. Il ne m'a plus adressé laparole.il n'est plus venu me voir au foot non plus.J'avais transgressé sa seule loi : le travail stable. Pour le reste, il n'était pas autoritaire et je n'ai eu aucun mérite à trans­gresser les autres lois.

Ma mère s'amusait de mes frasques, mais en même temps, elle me disait : «Tu dois rester dans la norme, ne te fais pas remarquer, tu n'es ni l'avant-garde ni l'arrière-garde, tu es au milieu. » Et en même temps, elle se vantait par­tout d'un fils qui foutait la merde. Cela s'appelle le double bind, la demande contradictoire, celle qui peut rendre les gosses dingues.

Chez moi cette dualité peut s'expliquer par cela : être dans les cafés et maudit.

Avoir une notoriété pour peser sur la société

Hugo Claus avait quinze ans de plus que moi et la pre­mière fois que je l'ai rencontré, il distribuait des pam­phlets à l'usine Flandria de Zedelgem.Je vois quelqu'un de connu comme écrivain et qui touchait à la peinture (il avait participé au groupe Cobra), quelqu'un de très contesté dans la Flandre catholique qui profitait de sa notoriété pour faire un happening politique. Autre hap­pening d'Hugo Claus : une sainte trinité nue pour laquelle il a failli aller en prison. Mais au fur et à mesure qu'il est accepté, que sa notoriété augmente, il s'assagit. Dans une émission produite par FR 3, il a regretté de n'avoir pas été assez anarchiste, de s'être retenu en raison de son statut.

Employer sa notoriété pour peser sur la société. Parler a alors un autre poids que si tu es un inconnu. Mais en même temps, l'exemple d'Hugo Claus, c'est une leçon. Quand tu es trop connu, tu es dans un rôle figé et tu es asphyxié.

Quelque part cela m'a rassuré. Quand Claus peut tout se permettre, il ne se permet plus rien.J'ai entendu Rudi Dutschke dire : « Quand on sera tout en haut de la so­ciété, on fera tout péter. » C'est faux, car on est pro­gressivement pris par le système. Claus est resté un exemple pour moi que je n'ai revu que chez Sartre. Il re­fuse le Prix Nobel, se met sur un tonneau pour haran­guer les ouvriers de Renault et vend la Cause du peuple dans la rue.

Quand on revoit l'histoire des grands contestataires des années 70, la plupart deviennent ministres, membres de cabinets ou sombrent dans la folie en raison de cette im­puissance à traverser les limites, le rideau,à effectuer des choix sans se laisser intégrer, sans se laisser envahir. Comme dit Besancenot, dès que tu t'assieds, tu es en­vahi par le système et son modedefonctionnement.Cela peut expliquer chez moi la peur de la réussite, cette envie de tout casser dès que quelque chose semble marcher, faire en sorte que le système ne puisse rien faire d'autre que de te rejeter. La subversion comme un des Beaux-Arts.

Collages

L'origine du collage est assez anale dans la mesure où à l'époque les toilettes étaient dans les jardins. Il y avait toujours des bouts de journaux et de magazines coupés et fixés à un clou pour pouvoir s'essuyer le cul. Et pour passer le temps, je les lisais.À l'époque, les gens gardaient beaucoup les journaux et les magazines. À part la tex­ture et la couleur du papier, c'étaient les mêmes types d'histoire, l'actualité ne changeait pas profondément. Je prenais de vieux magazines, genre Ons Land (sorte de version flamande du Patriote /7/ustré),je faisais des collages avec cela. Quand je lisais, je ne voyais aucune progres­sion, le futur était le passé. Les conflits restaient les mêmes, il n'y avait que les noms qui changeaient.Tout re­vient tout le temps. Les voitures changent mais il y a tou­jours une nana à côté d'une bagnole. Le temps est arrêté. J'en ai pris conscience via le collage et les chiottes. L'ima­gerie est figée. L'imagerie fige le temps et fige notre vie. Je voyais la vie comme un tourbillon sans fin. Mes col­lages, je les désigne sous la dénomination globale de « Fu­ture ». En fait, c'est passé-présent-futur. Un sentiment que tout passe et tout s'en va, une sorte de grande foire avec des gens qui se prennent très au sérieux et se re­trouvent le lendemain dans la page de nécrologie. Mes collages sont à l'arraché, tous les événements sont au même niveau, on pourrait parler de graphisme automa­tique.

La vie est un collage. Ce sont des couches superposées comme dans l'oignon de Nougé. Rien ne change vrai­ment, on a beau arracher, c'est toujours la même chose qui apparaît. Après, j'ai employé le collage comme pro­vocation, mais ce sera dans les années 70.

Études de théâtre et mouvement situationniste

Rayon études, j'ai été à Strasbourg dans une école supé­rieure d'art dramatique, tout en étant inscrit à l'univer­sité pour son resto U. C'était l'époque de la sortie de l'ouvrage des situationnistes sur la Misère en milieu étu­diant. Il y avait tout un mouvement qui correspondait aux questions que je me posais sur l'intégration dans la so­ciété capitaliste, via le spectacle et l'art. Une analyse hé­gélienne et de Marx jeune que Debord découvre dans la traduction du livre de Georg Lukács, Histoire et Conscience de classe, ce qui est un peu le thème de la Société du spec­tacle. À la longue, la critique de Debord devenait aussi une forme de discours dominant (qu'on songe aussi au surréalisme) et était partie prenante de la société capi­taliste. En critiquant, on devenait ce qu'on critiquait, on acceptait et on prenait son rôle dans la société capita­liste. Comment être dans la société sans y être,comment marcher sur cette ligne étroite ? Finalement, les études politiques, je les ai apprises par les coups de matraque reçus, pas pendant les cours.

Le situationnisme est une aventure intellectuelle inté­ressante mais avec ses travers. Il y a un côté extrême­ment jouissif, mais en même temps cela suinte l'ennui, la liturgie, l'église, la recherche de pureté, le souci perma­nent d'affirmer de grandes vérités où manque un élément essentiel : le doute. La remise en question, c'est ce dont le mouvement situationniste a le plus manqué et tout s'est terminé à la stalinienne.

LeViêt-Cong, la Chine de Mao,Trotski,je m'en suis beau­coup méfié, j'étais vite mis de côté par les petits groupes qui s'en réclamaient. Comme dans l'univers de Hergé, il n'y avait pas de filles, sauf dans la Chinoise de Godard. Mais les groupuscules ne faisaient pas rire les filles ! Mai 68 m'a beaucoup amusé, les gens se parlaient comme à Ha-relbeke. C'était la libération sexuelle.Tout ça pour ça !

Études de cinéma

Après Strasbourg, j'ai fait l'Insas à Bruxelles (j'y étais en octobre 68).

Le cinéma à l'Insas, c'est la Nouvelle Vague (une critique du cinéma traditionnel) et le néoréalisme italien. Je ne termine rien du tout. En même temps, je « faisais » de la philosophie morale à Gand. L'Insas de l'époque, c'était André Delvaux, Frans Buyens. C'était faire des ateliers de cinéma, mais là-dessus s'est greffée la perspective d'une école de niveau universitaire avec un court métrage qu'on ne réalise qu'au bout de quatre ans ! L'université et les cours ex cathedra y ont hélas remplacé l'expérience. Bref, le cinéma, je l'ai appris à la Cinémathèque royale.

BD détournées

Les collages m'ont amené au détournement de bandes dessinées. Celles d'Astérix, de Bob et Bobette.de Lucky Luke et deTintin dont certaines ont été publiées, d'autres pas. On copiait et on ajoutait des bites, un travail souvent fait à plusieurs.

Cela répondait à ce qu'on pouvait voir chez les situa-tionnistes, dont beaucoup changeaient les bulles sans tou­cher au dessin ; ce qui pouvait donner un Buck Danny avec un discours marxiste ! Prendre des choses popu­laires et en changer la destination en changeant les bulles ou détourner l'esprit d'une BD en y ajoutant des sexes. C'est aussi ce que faisait Marcel Mariën quand il chan­geait le slogan d'une publicité ou en collant une pub à côté d'une photo de guerre. Ce que faisait Hara-Kiri éga­lement dans les années 60.

Scénarios de BD

Après j'ai fait trois gosses. Ça m'a calmé pour un bon mo­ment. Donc, j'ai dû gagner de l'argent. Je me mets à un métier très lucratif : scénariste de bande dessinée. J'écris des histoires grand public et je travaille avec un dessinateur qui va illustrer ce que je raconte de la façon la plus classique possible avec des dessins de type hy-perréaliste. Le dessinateur fait des reportages photos qu'il projette sur la feuille et qu'il redessine ensuite. Ces sont de petites histoires sorties chez Michel Deligne,qui publie des revues et des bandes dessinées. Très vite, des maisons d'édition, dont Glénat.vont s'intéresser à ces BD qui sortent de l'ordinaire, de tradition fantastique - le fa­meux réalisme magique belge - et qui ont en même temps une approche plus réaliste en ajoutant des éléments po­litiques (puisés souvent dans l'actualité belge). Le premier album, paru en 1976-1977, s'intitule le Bal du rat mort. C'est de suite le succès.

Premiers écrits, premiers théâtres

Ma première publication littéraire,ce sera un livre de poé­sie édité par Oswald en 1976 et écrit au début des an­nées 70. Il s'agit d'une poésie un peu graphique, sous influence d'Apollinaire. Un travail sur la forme des lettres, sur le thème de contestation et de révolte, sur ce qu'il y a derrière les mots. J'étais dans une déconstruction de l'écrit. Sous influence de dada et de l'écriture automa­tique. Je recherchais ce que traduit l'inconscient. Au théâtre, j'étais influencé par Artaud, par des artistes du délire.Je travaillais beaucoup sur la relaxation qui ame­nait les comédiens à l'hypnose tout en développant une prise en conscience de l'acteur à la recherche de sa propre vérité.

C'était un théâtre laboratoire, artistique et populaire. Je croyais qu'on pouvait créer un nouvel homme décondi­tionné. Je partais de textes comme le Petit Prince, j'en fai­sais une sorte de voyou, de blouson noir, aujourd'hui on dirait un délinquant.

J'aimais allier populaire et expérimental. J'ai fait la même chose avec Christoph Colomb de Michel de Ghelderode. Le sujet est devenu la révolte des marins sur le bateau. Un délire sur l'illusion du paradis terrestre et l'échec exis­tentiel.

Premières critiques, premières censures

J'attaque Hergé pour son côté collabo. Critiquer Hergé, c'est se mettre la nation à dos. À travers lui et dans la foulée, je me fais la famille royale, en employant la grosse artillerie : leur collaboration avec l'ennemi nazi avant et pendant la guerre. Ce sont les fondations mêmes de la maison belge que j'ébranle. Sans le savoir, je sabote l'es­sence même de mon concept : l'identité belge. En plus, dans les histoires fictives, j'introduis des person­nages politiques existants comme PaulVanden Boeynants, Premier ministre, j'invente des enfants royaux bâtards, j'annonce les tueurs du Brabant dans une série de BD qui s'appelle Jaunes.

Atmosphère étrange et prémonitoire. Quand j'attaque la famille royale, la revue Circus, dans la­quelle les histoires sont publiées, est saisie par la gen­darmerie dans tous les kiosques belges. Alors qu'une carrière à succès dans la BD s'ouvrait devant moi, me voilà mis à l'index.

En 1982 paraît un personnage « Carette » qui détruit le Palais royal. Il annonce en quelque sorte les Cellules com­munistes combattantes (CCC) de 1986. À partir de quelques éléments, j'imaginais des situations qui allaient vraiment se réaliser.

Dès ce moment la Brigade spéciale de recherche (BSR) s'est intéressée à moi. Je suis sous contrôle. Je trans­gressais, les lecteurs écrivaient aux éditeurs, je m'enga­geais dans des polémiques avec mes propres éditeurs. Avec la mort d'Hergé, j'en ai remis une couche. Je sors un Tintin porno que j'ai intitulé la Vie sexuelle de Tintin. C'est le début des procès avec la veuve Hergé. Procès qu'elle finit par perdre parce que je ressors les dessins antisémites d'Hergé effectués pendant la guerre qui ef­frayeront jusqu'à ses propres avocats, maître Berenboom pour la Belgique et maître Weil pour la France. À partir de là, elle cessera ses poursuites à mon égard. Pour moi le modèle de Tintin, c'est Léon Degrelle à 16 ans. Léon Degrelle est un jeune reporter du journal le Vingtième

Siècle dans lequel Hergé dessinait les aventures deTïn-tin-Degrelle. Par la suite, Degrelle sera le chef fasciste pour lequel Hergé dessinera de nombreuses couvertures de livres. Hergé ira jusqu'à réaliser le graphisme du dra­peau rexiste. Mon propos : enlever le couvercle de ce pays, lui dire que ses idoles sont des rexistes, le tout en employant tous les moyens du discrédit. En même temps, je présente à nouveau mes vieux collages sur le roi Baudouin, j'organise une première grosse expo au Dolle Mol sur les icônes belges que sontTintin et Bau­douin. Cela sonnera le glas de ma carrière dans la BD, mais aussi d'illustrateur et d'auteur de collages artistiques. Je vais de saisie en saisie, de procès en procès (la Vie sexuelle de Fabiola... de Khomeini... du pape. ..de le Pen..., de Maurice Béjart, etc.).

Les paysages

Dans les années 80, j'ai décidé de représenter la Belgique par des paysages. Et j'ai choisi la côte belge. C'était fait au rouleau, de l'acrylique sur de la jute en vrac, format I 20 sur 100 cm, il y a du vert, du blanc, du bleu, du sable. Il y avait un côté faux Turner, assez lumineux, quelque chose de très reposant pour un salon !

Par après, je vais travailler sur les couleurs belges et, dans les années 90, je réunifie le pays. Ce sont des peintures à l'huile, des jets d'huile qui se mélangent en travaillant sur l'impulsion du moment.

Puis, je trouvais des croûtes sur des brocantes, j'effectuais un choix, c'étaient souvent des paysages de peintres ama­teurs, je barrais le nom de l'artiste et j'y substituais ostensiblement le mien.

Autre perspective : je prends un cadre trouvé et je signe « Bucquoy » sur le mur. Il n'y plus de ready made, ce n'est plus que le ready.On échappe à la logique du marché. Avec la signature sur le mur on ne peut plus emporter l'œuvre. On arrive à la non commercialité de l'objet. Je « désob-jective » l'art et je montre que je suis à la recherche de quelque chose d'autre que le commerce de l'art. Aujourd'hui, j'aimerais faire un paysage pour chaque pays afin que cela suffise pour voyager et arrêter ce flux de touristes inutile, fatigant et polluant. On pourrait se contenter du poster du pays dans lequel on veut voyager, pendant les vacances, on le mettrait dans son salon. On le regarderait de temps en temps pour s'attaquer à l'es­sentiel : trouver des stratégies pour changer le monde.

Dol et Belge

Prendre quelque chose d'usuel, mais y mettre un contenu grossier et impensable pour le pouvoir, c'est ça le prin­cipe de la revue que j'ai lancée en mars 1990 : la vie sexuelle de la famille royale.J'y attaquais Mobutu, je don­nais des formules pour se suicider, tout un bric-à-brac d'attaques frontales avec le pouvoir. La presse belge ti­trait : « Pire que Hara-Kiri ». Il y avait la pute politique de la semaine : Herman Van Rompuy, alors jeune député ca­tholique. J'y mettais des collages, notamment la reine Fa-biola qui couche avec un cochon.Ce numéro a été interdit en Hollande, non pour atteinte à la famille royale belge, mais parce que la zoophilie y est interdite. 

La maquette du livre intitulé la Vie sexuelle deTintin sera présentée au festival d'Angoulême, provoquant un tollé incroyable. Je me suis mis tout le monde de la BD à dos en proposant ce livre au cœur même de l'idolâtrie her-géenne qui en était l'icône centrale cette année-là. La revue était régulièrement saisie au point que des li­brairies appelaient eux-mêmes la police pour faire saisir les numéros.

Au début, des écrivains connus, comme Johan Anthierens, Herman Brusselmans, un dessinateur comme Reiser, ont été associés à la revue qui a publié aussi un texte de Bukowski. Mais ces auteurs ont progressivement déserté. La revue a cessé pour cause de faillite, les distributeurs renvoyant systématiquement les numéros sous prétexte d'invendus.

On tirait à 30 000 exemplaires diffusés par les message­ries de la presse d'abord. La plupart des librairies ne le mettaient pas en kiosque alors qu'ils avaient du porno plein les étalages. Il y a eu beaucoup d'autocensure. J'y ai englouti l'héritage de mes parents, dernière forme de ré­bellion à leur égard !

TV en direct

Malgré tout, je suis invité dans des émissionsTV dans les­quelles je fous le bordel. Certaines émissions ne vont pas survivre à ma venue. En montrant la banane de Baudouin, le tampax de la reine du Maroc, je finis par mettre fin au direct en Belgique.J'arrive à être détesté de tout le monde et à être l'ennemi public n° I.Je suis rejoint par Noël Godin qui, à cette époque, commence à entarter systé­matiquement des gens connus.

Dans ces émissions, je suis le seul à n'avoir rien à vendre. Je n'ai pas de livre, pas de revue, je suis dans la non-vente. Alors que les émissions télé, par principe,c'est pour pro­mouvoir. Financièrement c'est la dégringolade. Début des années 90, je suis seul, fauché, sous la menace des huis­siers, et ce n'est pas fini.

Musée du slip

L'idée du Musée du slip a germé lors d'une discussion à Anvers, Mechelseplein. Il y a une dizaine de cafés-terrasses, pas très loin, une école de théâtre : le Herman Teirlinck Studio. Une vraie ville artistique où les ren­contres se font facilement, dans un mouvement perpé­tuel, LucTuymans.Tom Barman,WannesVandevelde,Jan Decleire,Fred Bervoets,Hugo Claus.les écrivains,les mu­siciens, le milieu du théâtre et la colonie hollandaise d'écrivains qui préfèrent Anvers plutôt que La Haye et Amsterdam. Je suis avec Paul Ilegems, fondateur du Frit'Kot Museum,Jef Meert, un éditeur, qui a réédité cer­tains dadaïstes, des bandes dessinées populaires (Urba-nus), et des gens qui travaillaient à ma revue Dol. On parle du Strip Museum (Musée de la BD), rue des Sables à Bruxelles, qui va ouvrir. Et ma langue a fourché et j'ai dit Slip Museum au lieu de Strip.Tout le monde a trouvé l'idée géniale. Et au lieu d'en rester là, je l'ai fait.J'ai tout de suite pensé que l'idée du slip et de ce qu'il représente était une idée forte dans l'inconscient collectif : le sous- vêtement et le cache-sexe, le cache-animal, le cache-mort. Quel plai­sir de mettre cela... à nu !

En outre, un slip, c'est assez graphique. Et passé outre la représentation première, il m'a toujours intéressé.Tant qu'on est dans la représentation, on est dans l'art bour­geois, on est dans un cadre. Et j'ai refusé la culture bour­geoise et sa représentation. Avec le slip, je n'ai aucun rapport fétichiste.Je rassurais les visiteurs en les invitant dans une institution, dans un « musée », le Musée du slip usagé... mais lavé, avec certificat de la personne qui l'a porté.

Je me suis dit que si je m'adressais à des gens connus, j'al­lais créer une identification et les gens viendraient voir le musée.Je partais de l'angoisse de l'étudiant devant son professeur et à qui l'on dit pour le rassurer : « Imagine-le en slip et ça ira. » Je me suis très vite rendu compte que le slip représentait un immense tabou et que les gens de pouvoir ne voulaient pas y renoncer. J'ai eu des slips d'artistes et des slips de sportifs. Par contre,Verwilghen, ministre de la Justice à l'époque et pas mal d'autres, ont répondu :«Je ne porte pas de slip.»J'exposais alors leurs lettres.

Avec ce projet, j'ai eu des indications sur l'état du monde. Ce musée disait quelque chose de clair. En représentant un objet réel, reconnaissable par tous et connu dans le monde entier, je mettais en question le symbole majeur de la hiérarchie : le pénis du chef. Le slip fait barrière et a une force inconsciente énorme. Devant le slip, on est tous égaux. Quand on l'enlève, l'inégalité disparaît. Comme j'avais un grand atelier dans une grande maison (l'époque des loyers payables à Bruxelles),c'est là que j'ai ouvert le Musée du slip. Après le choc immobilier le vente du lieu par sa propriétaire, le musée est devenu SDF.

Musée de la femme

Le Musée du slip, je l'ai fait comme gag et la presse en­tière en a parlé. J'aurais pu faire cela toute ma vie. Entrée gratuite, j'offrais le café et les biscuits. Comme j'étais dans cette idée de représentation, je me disais que ce qui m'intéressait le plus au monde ce n'est pas l'art, la philosophie ou le foot. C'étaient les femmes ! Ce qu'il fallait préserver à tout prix, c'était les femmes. Vu qu'elles étaient en train de disparaître, en devenant comme les hommes, je voulais montrer les femmes à l'an­cienne. Le projet a été très critiqué car il y avait des clas­sifications fortes : « femme indigène », « femme enfant », « femme bête »,« la vierge »,« femme enceinte »,« femme réglée »,etc.Toutes les femmes étaient habillées, sauf une, la « femme nue ». Bien évidemment, il y avait une place pour moi :« l'homme à femmes ». Au total :treize femmes et un homme !

Toute la semaine j'avais un projet : amener les femmes pour qu'elles s'exposent. C'était cela le travail du direc­teur du musée :trouver les femmes qui acceptent de s'ex­poser dans son musée. Ce n'était rien d'autre que l'objectif réel de l'homme : chercher sa compagne. En de­hors de cela, il n'y a pas de réel projet.Tout ce qu'on fait autour, ce ne sont que des plumes pour séduire la femme, ce ne sont que des apparats.

J'estimais qu'on avait perdu cette lucidité là et que la per­version n'était rien d'autre que le détournement de la base même de la stratégie de la vie : conquérir l'autre sexe. De­puis, en Europe, les femmes ont repris leur liberté et le musée n'a plus sa raison d'être. Elles s'exposent jour et nui là où elles en ont envie. Dans d'autres contrées, tout reste à faire. La lutte continue et ce n'est pas gagné.

Les films

Une des dernières BD,c est la Vie sexuelle avec mes femmes, publiée dans la revue Dol. Je trouvais que c'était une bonne base pour un film à sketchs qui n'aurait pas coûté cher. Cela allait devenir la Vie sexuelle des Belges.Toutes les sub­ventions introduites ont été refusées.Je suis l'ennemi pu­blic n° I. Il s'agissait d'un film d'un montant équivalent à 100 000 euros d'aujourd'hui.Je rencontre un gars un peu autiste au Dolle Mol, Francis Desmet, qui dit avoir gagné de l'argent en bourse, qui dispose d'un compte ouvert dans une petite banque. Je lui donne mon numéro de compte et le voilà qui dépose 2 500 euros. Finalement il devient le producteur principal du film. Un agent s'inté­resse au projet et le film fait le tour du monde. Résultat : l'argent entre de nouveau avec ce récit un peu linéaire, qui plaît. Il parle de mon enfance dans une structure nar­rative classique.

Le succès me gêne un peu. Du coup, je me rebiffe. Je dé­couvre Lolo Ferrari et les plus gros seins du monde. Au lieu de devenir les frères Dardenne à moi tout seul, je conçois un film comme une toile dadaïste, un film poli­tique où je me moque des sentiments et où je remets la narration classique en question. Camping Cosmos est un film-collage. Le sujet : pour changer le monde,faut-il faire de l'animation culturelle, être terroriste ? Finalement, il n'y a que la mort : l'acteur Claude Semai, habillé en Tin-tin, anime le débat, qui reste sans réponse. C'est un film qui passe pour être un truc de gros seins... J'ai réussi à camoufler l'essentiel...

Je reçois un peu de subsides des pouvoirs publics. Le film est reçu de façon désastreuse à Cannes, la critique de ci­néma bien pensante est choquée, on n'y a vu que les seins de Lolo.Aujourd'hui, c'est un film culte. Comme quoi on est peu de chose. Et le cinéma aussi. Pour le troisième long métrage, je fais plus fort. C'est la fermeture de l'usine Renault àVilvoorde.J'y introduis une part de fiction en proposant de kidnapper et de tuer le PDG Schweitzer. Ce film, c'est un travail sur l'histoire du film politique qui essaie de démontrer comment et pour­quoi les grèves n'ont finalement abouti qu'à une mise au pas de la classe ouvrière. Les autres films ne feront que renforcer mon divorce avec la classe cinématographique. La Vie politique des Belges suit le parti «Tarte » (initié par Noël Godin) et le parti «Vivant » pendant la campagne électorale de 1997 et fait apparaître les contradictions au cœur des partis contestataires. Dès qu'on participe, on veut intéresser le plus grand nombre. En conséquence, le discours radical se fige et essaie de devenir un discours dominant. C'est révélateur dès la question de la consti­tution des listes.

Après, je développe l'idée de distribuer le cinéma à la de­mande, via l'internet. C'est un mode de distribution de l'image qui évite tous les gros frais de copies et de diffu­sion. Mais c'est un peu tôt. On est en 1997 et le pro­blème posé est celui de la protection des cartes bancaires et de la capacité de mémoire des PC de l'époque. Le pro­jet s'arrête en 2000.

Après, il y a eu la Vie sexuelle des Belges 4 : la Jouissance des hystériques ( 1999).On n'arrive pas à suivre son désir propre, on suit toujours le désir des autres : la demande des pa­rents, des autorités, du professeur.de sa compagne. Il faut essayer de voir quel est son propre désir. L'idée de Lacan est que si on suit son désir, on n'aura pas peur de mourir puisque vivre n'est rien d'autre que suivre son désir. J'en effectue la démonstration à travers mon désir de la révo­lution et mon souhait de comprendre le désir des autres : celui des acteurs réunis sur le tournage dont le désir était de jouer plutôt que de faire la révolution ! Le film obtient un grand prix en Corée du sud, où je suis un dieu non pas par mon talent, mais par ma ressemblance avec Bouddha. Dans ce film, les femmes prennent le pouvoir, ce qui est assez inconcevable en Corée, même aujourd'hui. Ensuite, je réalise la Société du spectacle et ses commentaires sur base de textes de Debord. Je mets en scène des acteurs dans des scènes de la vie quotidienne : le repas, la vaisselle, recevoir des amis. Mais les dialogues, au lieu d'être conve­nus, sont extraits du texte de la Société du spectacle.

Friday Fishday est une farce en dialecte qui se déroule à Harelbeke et à Ostende. Un mec ne peut faire l'amour qu'avec une femme qui sent le poisson. Si bien qu'il ouvre une poissonnerie (2001). C'est une farce qui tourne au­tour du désir. En fait, le personnage désire une sirène et se rend compte que même si elle peut raconter des his­toires salaces.il lui manque quelque chose puisqu'elle n'a pas de vagin. Ce film montre que je commence à accep­ter qu'il n'y aura pas de paradis et que tout sera toujours un peu bancal. Les illusions perdues commencent à faire leur travail de sape. C'est une sorte de cinéma suédois de série C. Des Fraises sauvages surgelées. Du Bergman zoophile.

Pour ce film, je traduis les séquences en direct, sur scène (Berlin, Mons, Paris). Avec cette œuvre, je rejoins l'idée du cinéma et du happening. Quand le public veut revoir une scène, je demande au projectionniste un retour en arrière. Je reviens à ce qu'était le cinéma à son début : un phénomène de foire.

2006, je réalise les Vacances de Noël. Deux vieux,Jan Buc-quoy et Noël Godin, partent à Cannes et voient s'ils peu­vent encore lever des filles. Deux personnages, l'un qui se réfère au principe de réalité (moi !) et Noël Godin, une sorte de Peter Pan doté d'un optimisme radical qui drague tout le temps. Une dialectique entre deux vieux. C'est un film qui a des côtés nostalgiques : le temps qui passe, l'usure, la fête qui sera bientôt finie...

Dans l'Art du couple (2008), je fais les états généraux du couple et des dernières relations que j'ai eues (une di­zaine en deux ou trois ans). Quelles formes de relation peut-on avoir ? Vivre ensemble et à part, j'ai essayé, mais c'est trop cher comme disait ma mère. La conclusion du film : l'amour reste quelque chose de magique, même s'il est condamné à long terme. La seule forme de couple ne peut être que ce moment magique comme peut l'être l'art. Des moments qu'on retient : Manhattan, les Demoi­selles d'Avignon, les films des Monty Python, Coluche, Woodstock, Une saison en enfer. Un moment magique où l'on est dans l'antimatière. Si ce n'est pas cela, il y a pire qu'être seul : être à deux. Ce film fait partie de ce graal qu'est la recherche quotidienne du bonheur.

 
Jan Bucquoy - L'art comme si c'était la vie même / La vie même comme si c'était l'art

Depuis la fin des années 60, Jan Bucquoy poursuit une oeuvre dont la caractéristique première, et qui de suite saute à l'oeil, est la diversité des médias qu'elle emploie.Tour à tour, il fut - ou plutôt, il est : car cela ne se déroule pas de manière linéaire, c'est un chemin qui a quelque chose de la spirale dont parle Lénine pour décrire la dialectique, où les reprises abondent, qui ne sont jamais des retours, mais de nouvelles figures, de nouveaux mélanges, comme des mixages - tour à tour donc, il est performeur, metteur en scène de théâtre, plasticien (praticien du collage, peintre, « installateur »), auteur de BD, réalisateur de cinéma. D'ailleurs, qu'on prenne aussi un de ces médias, qu'on l'isole et qu'on l'observe, la première caractéristique là encore, et la seule constante, sera la modification (la révolution ?) per­manente. Cela va, par exemple, d'un film assez classique, somme toute, pour ce qui est de la facture (la Vie sexuelle des Belges), h un film pensé comme un collage dada (Camping Cosmos) ;d'un film documentaire, où se subvertit déjà le documentaire, à un film jouant de la confusion du rapport réalité/fiction (et devenant, essentiellement, support à la discussion) ; ou à un film, encore, en dialecte de Flandre occidentale, Friday Fishday, film non sous-titré, où la per­formance revient, plus clairement encore, sous la forme de la traduction en direct, voire du montage en direct, en fonction de la réaction chaque fois différente de la salle. Une œuvre dont la caractéristique première, donc, n'est pas seulement la diversité des médias qu'elle présente, la diversité des genres qu'elle convoque. Mais dont c'est aussi le mélange, bien mieux. Le mixage.

Sans doute, il y a là de quoi surprendre. Jan Bucquoy n'est jamais où on l'attendait. Le croyait-on performeur, le voilà cinéaste. Le croyait-on cinéaste, le voilà performeur. Le croyait-on l'un ou l'autre, le voilà qui mêle les deux. Qu'on n'aille pas croire, cependant, à de la dispersion, ou à de la confusion de sa part ; qu'on n'aille pas croire, non plus, à quelque course éperdue, dans le désir toujours d'être à la page, d'être à la mode, sinon même de la lancer, recherche de la nouveauté pour la nouveauté, afin toujours de se faire remarquer.

Tout au contraire, il s'agit d'échapper ici, autant qu'il est possible, à la société du spectacle, d'échapper aux dispositifs de sa vanité. De sorte que ces déplacements, ces détournements successifs de la part de Jan Bucquoy se compren­nent bien plutôt, si l'on y regarde plus près, comme l'arsenal même des mouvements tactiques, ou mieux,stratégiques, qu'il y oppose depuis la fin des années 60. Sous l'apparence de la diversité, la persistance, donc, du même combat. Sous l'apparence du désordre, un désordre volontaire, réfléchi, au sens d'une contestation résolue de l'ordre établi. L'amorce, l'esquisse d'une révolution.

Je parle de société du spectacle, et c'est au sens, bien sûr, où Guy Debord l'a théorisée, l'a dénoncée. En tant qu'elle est, on le rappellera, l'idéologie matérialisée, l'idéologie réalisée, ce simulacre de vie venu à remplacer la vie même ; ce masque posé sur le réel et devenu notre premier rapport à lui, jusque dans la quotidienneté, jusque dans la pri-vauté. Vie toute de travail ; vie toute de désir aliéné (par la société de consommation de masse) ; vie du loisir lui-même organisé (et devenu par là un quasi devoir).

L'œuvre de Jan Bucquoy cherche à faire trou dans ce spectacle ininterrompu.À renouer avec le réel,avec une «vraie » vie qui reste encore, pour l'essentiel, à inventer. C'est bien pour cela que Bucquoy a choisi et assume la position de l'agitateur. L'agitateur, oui, car il s'agit de mettre

du trouble dans un monde repu, trop bien dessiné, trop bien rangé. L'agitateur, car il s'agit d'y faire scandale et d'y faire crise (au sens étymologique de ces deux termes).

Souvent, on n'a voulu voir dans l'œuvre de Jan Bucquoy que celle d'un bouffon, d'un trublion. Rien d'artistique. Lui-même n'a-t-il pas toujours répugné, au reste, à se faire reconnaître pour un artiste, à mesure que qu'il lui était de­mandé, en échange, de pénétrer et de se renfermer dans le monde de l'art contemporain, de se soumettre à ses règles de légitimation ? Bucquoy, le fait est, se soucie bien peu du milieu, et moins encore de sa reconnaissance. Ce qui l'intéresse, ce n'est pas le monde de l'art, c'est le monde lui-même. D'ailleurs, c'est dans cette position, qui le tient à la frontière, sinon même à la marge, que se révèle peut-être tout ce qu'il y a d'artistique dans l'œuvre de Jan Buc­quoy. L'art véritable n'est-il pas toujours une réflexion sur ce qu'est l'art, une exploration sur ce qu'est sa limite ? Moyen de faire scandale, de faire crise, moyen de résistance à la société du spectacle, l'art tel que l'appréhende et tel que l'exerce Jan Bucquoy rejoint en tout cas le projet situationniste, et le poursuit. Un projet situationniste qui, comme on sait, se pensait déjà, dans la seconde moitié du XX* siècle, dans la filiation affirmée, revendiquée avec l'art de la pre­mière moitié, avec les avant-gardes. C'est assez peut-être, cette filiation - on excusera du peu ! - comme gage, ici, de sa réelle artisticité.

De même que les grands courants de l'avant-garde dont il se réclame et où il puise (situationnisme, surréalisme, da­daïsme), Jan Bucquoy brouille les catégories artistiques toutes faites. De même que les grands courants de l'avant-garde, il brouille et interroge les rapports de l'art et du politique, les rapports de l'art et de la vie. Tout le projet des avant-gardes, et tout le projet aussi de Jan Bucquoy, on pourrait le résumer en parodiant ici, ou re­prenant, la formule célèbre de Marx, la onzième thèse sur Feuerbach (1845) : les artistes n'ont fait que représenter le monde, n'ont fait que le commenter ; ce qui importe, à présent, c'est de le transformer.

Jan Bucquoy, c'est un artiste de l'avant-garde après la mort des avant-gardes ; c'est un artiste de la contre-culture (au sens où celle-ci, comme on sait, fut la fille des avant-gardes dans la seconde moitié du XX" siècle) après la récupéra­tion de la contre-culture. Une figure héroïque en ce sens, dans son intempestivité, dans son inactualité. Et qui prouve bien - si besoin en était ! - qu'il n'y avait rien de nécessaire à cette mort, qu'il n'y avait à cette récupération nulle fa­talité.

Est-ce à un dinosaure, espèce rare, demandera-t-on dès lors, qu'on a ici affaire ? Non pas. Car Jan Bucquoy ne se contente pas de refaire. Il ne se contente pas de copier, ou imiter ces grands ancêtres, ces grands modèles (ce qui souvent tourne à la caricature, et marque le moment même où commence la récupération). Bien plutôt, il s'agit ici d'une poursuite, comme on l'a déjà souligné, ou d'une reprise, au sens aussi d'une recréation, d'une réinvention.Te­nant compte, à la fois, des errements du passé, et tenant compte aussi des changements du contexte. Le combat en­trepris en Belgique, bien loin d'être anecdotique, gagne par là quelque chose d'exemplaire. Une universalité.

François Coadou

Occupations

2005, c'est mon premier coup d'État. Depuis, il a lieu tous les 21 mai. Pourquoi ? Parce qu'en général il ne pleut pas ! J'utilise la thématique terroriste en y enlevant l'angoisse liée à la terreur, tout en proposant une contre-terreur : la terreur c'est l'État. Je récupère le thème de la terreur en montrant qu'elle est ailleurs. Depuis vingt ans j'annonce que je vais occuper le Palais royal, car ce qui m'intéresse c'est de faire un coup d'Etat pour changer le monde, développer ma théorie sur le choix des dirigeants par tirage au sort, les loyers qui ne dépassent jamais un cinquième de ce qu'on gagne, rena­tionaliser l'énergie. À partir de cette époque, je lance chaque année le coup d'État contre le Palais royal. L'idée d'occupation devient un thème. Il fallait sortir du discours et occuper ma vie, un principe qui m'a empêché d'entrer dans le système et d'être soumis par ses maîtres. Occupation, prison, procès. Les menaces des années 80 et 90 reviennent. En 2006, j'occupe le Dolle Mol, je l'ar­rache aux investisseurs du centre ville pour continuer à en faire un café libertaire. Expulsion, procès, cachot, mais finalement, le propriétaire abdique. J'en fais un territoi­re reconquis : une télévision libre, des cours de néer­landais et de marxisme, des réunions de groupes sub­versifs dont les anciens des CCC (qui après leur réunion en juin 2008 se retrouvent en prison). Non seu­lement l'histoire se répète, mais les forces répressives sont de retour.

Attaquer les fondations du pouvoir, dont la famille royale, un pouvoir qui ne se discute pas, qui ne se met pas en question.

L'art et les happenings servent à changer le monde, pas à devenir un discours de domination, même si je ne sous-estime pas la force de l'œuvre d'art au niveau de l'ouverture d'esprit et de son incitation aux gens à deve­nir indépendants, à penser par eux-mêmes. Il faut, me semble-t-il, un coup de pouce en plus pour entrer dans la vie réelle.

 
L'obsédé du coup de hache sur la tête de l'État

Sinistre rotule de pelure d'oignon serait celui qui dans la démarche existentiellartistique de Jan Bucquoy oublierait d'inclure ce qui est en passe de devenir une nouvelle tradition du folklore subversivo-burlesque mondial : le coup d'État annuel contre le palais centrobruxellois de la famille royale belge, à jamais fixé au 21 mai à 14 heures, sauf si ciel navrant de pluie, auquel cas la chance de renverser le système est reportée d'office au premier jour de soleil sui­vant, histoire de commencer la nouvelle ère capitalistophobement libertaire dans la joujouissance la plus complète. Antiroyaliste acharné et justicier dans l'âme, Jan Bucquoy s'était déjà illustré en 1992 par une tentative, hélas neu­tralisée par la sournoise vigilance des forces de l'ordre unique, de décapitation d'un buste du roi Baudouin, célèbre militant antiavortement et grand ami de ce dictateur sadique que fut Mobutu. Ô guillotine, guillotine, où sont donc passées les guillotines d'antan ? Mais ce serait mal connaître le plus vivifiant cinéaste belge depuis Marcel Mariën que de l'imaginer se mollotesticulairement ratatiner après un échec ou même dix.

Annoncé de longue date par tous les moyens possibles, et soutenu par la fraternelle présence de l'inénarrable tar-tologue Noël Godin, le premier coup d'État déploya sa sémillante fanfare anarchiste au printemps 2005 : des quatre éditions jusqu'à ce jour, ce fut incontestablement la plus populaire et la mieux médiatisée(1), même si ce fut aussi la plus concise, puisque notre incendiaire parvint à peine, au terme d'une charge écossaisement héroïque, à prendre pied dans la fameuse « zone neutre(2)» ceinturant le palais de nos invénérables sépulcraltesses.Jan finit le reste de la jour­née en prison et la police nous refusa même le droit, à nous ses partisans, ô terrifiant terrorisme d'État, de lui faire transmettre de revigorantes bières dans sa cellule. La nuit n'en fut que plus pétillante lorsque nous le fêtâmes à sa li­bération. Seconde édition : redoublant de hargne, notre putschiste favori réussit à parcourir cent mètres en zone neutre avant de se faire plaquer brutalement au sol par des molosses en uniforme, et sous vilaine garde conduire dans sa geôle désormais familière.Troisième tentative : à sa grande surprise, les lugubres pandores n'attendent pas le contes­tataire épaulé par deux complices, dont votre serviteur, si bien que le trio réussit à traverser les jardins du palais et à déployer, non seulement en plein dans la sacro-sainte entrée, mais au nez et à la barbe des soldatesques gardiens du temple monarchique, le drapeau du drolatique parti « Banane(3)». L'après-midi se termine en garde à vue dans le commissariat même du palais : nous rions beaucoup, à ceci près que les autorités refusent incompréhensiblement de nous servir une trappiste. Quatrième essai : accompagné cette fois d'un sociologue de renom et comme toujours par le fidèle Arne Baillière, lui aussi rebelle de haute rage, Jan et Arne plantent respectivement un drapeau communiste et anarchiste dans le parterre central des jardins de la royale et laidissime bâtisse. Embusqués comme des mygales, les porte-menottes jaillissent soudain de partout,telle une ejaculation précoce, et mettent, une fois de plusjes conspi­rateurs derrière les barreaux. Relâché peu après et tranquillement cervoisattablé dans le Dolle Mol de son cœurjan sera inexplicablement ré-arrêté quelques heures plus tard, ce qui montre à suffisance combien la dangereuse police du royaume craint que ce charismatique agitateur ne fasse tache d'huile insurrectionnelle.

Et pour cause, la philosophie qui sous-tend le coup d'État a tout pour déplaire à un maximum de suppôts du cou-couchepaniérisme. Fidèle à son amour pour le surréalisme révolutionnaire autant que révulsé devant le cancer crois­sant des iniquités sociales, Jan Bucquoy propose de redistribuer logements, fonctions et richesses selon le système de la loterie perpétuelle, la seule justice étant celle du hasard puisque nous sommes tous égaux devant lui, alors que la simple naissance dans la classe pistonnaisée, gorgée de fric et d'enculants passe-droits, vous garantit un succès confortable en dépit de - voire grâce à - votre héréditaire nullité. Avec la stochastique de Jan au contraire, tirez un numéro et vous parcourrez cette année sur les sièges d'une berline, avec un loup raide pour chauffeur ; retirez un autre numéro, vous traverserez écologiquement l'an prochain à bicyclette .Vaste brassage orgiaque des possibles, cer­titude de vivre vingt vies en une, après avoir tour à tour habité une villa avec piscine et une maison de mineur avec poulailler, chacun pourra de la sorte devenir sénateur et tout sénateur aura des chances de devenir maçon, même si le maçon fera plus facilement un bon sénateur que le sénateur un bon maçon. À cet égard, Jan ne tarit pas de dégoût face à l'incompétence avérée de nos politiciens qui sont « presque tous des avocats ratés » et ne connaissent rien aux criants problèmes du peuple et moins encore aux joies de la vie authentique, celle-ci ne pouvant se fonder que sur l'euphorie permanente, le refus du travail salarié ainsi que sur le lafarguesque droit à la paresse. Les autres points du programme bucquoyléonin consistent, outre la revendication de la gratuité de l'énergie et des transports, en la suppression de la propriété privée et de la bureaucratie, ainsi qu'en la volonté d'instaurer une société semblable à celle des bonobos, c'est-à-dire nudiste, non-violente et chroniquement copulatoire. On saluera également son appel à l'abolition de toutes les cages à haut potentiel de toxicité : écoles, armée, prisons, mariage, églises et autres zoos. Quant à son idée de reconversion du palais royal en bistrot au rez-de-chaussée et logements sociaux aux étages, on ne peut que l'approuver, même si rendre soudainement utile et vivant ce cercueil percé de fenêtres gluantes aura sans doute quelque chose de passagèrement déstabilisant.

Avant de conclure, mémorisons les paroles, autrement plus érogènes que celles de la Brabançonne, de l'hymne que nous propose l'hédoniste dissident :« Amusons-nous, faisons les fous, la vie est si courte après tout ! » Bref, si au lieu de porter passivement de mercantiles t-shirts à l'effigie du consterné Che Guevara, les cohortes de mécontents re­joignaient activement Jan Bucquoy le 21 mai 2009, on pourrait enfin réussir à casser le pif de la machine à transfor­mer l'homme en machine, et créer un monde beau comme un vagin de libertine, nom d'un cake à la nitroglycérine ! Si vous souffrez, cessez de pleurnichouilloter : délirévoltez-vous, ventrerouge !

Théophile de Giraud

Notes

(1) On trouvera en bonus du DVD de la Jouissance des hystériques le phosphorescent reportage, réalisé par une télévision luxembourgeoise, sur cette journée historique.
(2) Pas si neutre que ça, puisque matraquiennement interdite aux salutaires vertus de l'insoumission.
(3) Acronyme pour - Bien Allumés, Nous Allons Nous Evader !


Art, explication d'un principe

Le concept,c'est la Belgique,quelque chose de connu ;je prends des éléments usuels de la culture belge. Par là j'ai suivi l'exemple de Marcel Mariën et dans une moindre mesure celui de Broodthaers. Mais j'y ai ajouté le côté subversif et politique qu'il n'y avait pas du tout chez Broodthaers et, dans une moindre mesure, chez Mariën. La subversion brutale. Ce serait là mon apport. D'être moins préoccupé par le côté esthétique que par l'action directe !

Je récupère tout. Dès que c'est signé Bucquoy.c'est belge. Il y a art dès qu'il y a objet populaire, c'est-à-dire recon-naissable dans une culture, par un groupe. Un objet qui est mis hors contexte, de telle façon qu'il en résulte une plus-value de savoir en tout genre et qu'il mette en boîte la routine de la pensée unique. En quelque sorte, il met hors circuit nos réflexes conditionnés. Démonstration. Je pars d'un objet populaire, usuel, exemple : le torchon de cuisine. La matière, c'est de la toile, c'est représentatif. Graphiquement, c'est bien, c'est joli, c'est esthétique. Je l'associe à la frite dans la mesure où ce torchon est employé en friterie. Quant à la frite, elle est reconnaissable par un groupe, par une culture... par la Belgique. L'appellation huile sur toile se réfère à ce qu'est la peinture classique : Manet, Monet, Matisse pour les impressionnistes, Garouste.Yan Pei Ming, pour les contemporains. Je procède à une remise à jour de ce qu'est réellement la peinture, qui est d'abord et avant tout de l'huile sur toile. C'est une façon de réduire à néant ce qu'est la peinture. En nommant, on détourne. Et en même temps, j'ouvre cette perspective : être entouré d'objets artistiques jusque dans sa cuisine ! On le voit pour la frite, on le voit pour le slip (mais là on dépasse la Belgique pour être mondialisé). C'est le même processus avec le Musée de la femme (la femme réelle) où l'on passe de l'objet au sujet en mettant en valeur ce qui est important : non pas l'art en soi, mais l'art pour soi. Il y a encore la toile trouvée par hasard. La croûte trou-

vée.Reprise telle quelle. Annulant le nom de l'artiste pour la resigner et lui conférer une nouvelle place. Du coup, cela change le regard du spectateur qui retrouve la va­nité des choses, voire sa propre vanité. Cette série pour­rait s'appeler : Vanitas vanitatum et omnia vanitas.

Jusqu'au néant

Plus loin, il y a la recherche du néant dans l'art. Quand je peins un territoire, la peinture ressemble à un big bang. On dirait la rencontre de l'ovule et du sperme. Quand on voit des images de satellite cela ressemble à cela. Re­cherche de néant.Comme beaucoup.j'ai proposé des mo­nochromes blancs, ce qui a fait la fortune de certains. On vient du néant, on retourne au néant, c'est un des mes-

Retour au procédé

Pour les happenings, le procédé est le même. Pour la dé­capitation du roi des Belges, j'ai pris un buste du roi (objet populaire), je l'ai déplacé dans le contexte de la Révolu­tion française en proposant sa décapitation sur la Grand-Place de Bruxelles. Cela se transforme en totale théâ­tralisation du concept dans la mesure où les flics, les procès, les juges, les avocats seront les figurants de la dé­capitation du roi.

La même chose se passe avec le coup d'État. Il est an­noncé, il y a de vraies forces de l'ordre pour l'empêcher. Les premières années, l'attaque s'est réduite à planter un drapeau le plus près possible du palais. Depuis, on attend le 21 mai comme jour de fête officielle où Jan Bucquoy attaque le Palais royal avec un drapeau et tente de se l'ap­proprier.

Quand je crée un parti politique qui s'appelle « Banane », et que je participe réellement aux élections : affichage, candidats de la liste, j'entre en compétition avec le pou­voir de façon directe et visuelle. L'affiche politique est un art dans la mesure où elle participe aux élections. Ce qui n'est pas le cas des affiches politiques qui ne participent pas directement à l'événement. Quant au contenu, il par­lera de tout autre chose que ce dont parlent les pro­grammes des partis politiques. Puisque participer aux élections ne sert à rien, parce que cela ne change rien en profondeur, je propose un coup d'État avec un pro­gramme tout différent de celui des révolutionnaires : des élections par tirage au sort comme dans une loterie, on redistribue. Oui, la politique peut devenir de l'art. Je le prouve.

Anarchie

Par essence l'anarchie me paraît la forme la plus équi­table de vivre ensemble. Mais il y a des conditions : l'édu­cation doit assumer pleinement sa mission pour que chacun soit responsable et libre. L'anarchie, ce n'est pas le bordel comme l'affirme le pouvoir qui manipule l'opi­nion, c'est la forme la plus élevée de la vie en commun. C'est utopique parce qu'on ne donne pas les outils aux gens. L'anarchie, c'est l'autogestion des moyens de pro-

duction, la mise en valeur de la nature. Il y a des expé­riences réussies : les pratiques communautaires où les tâches sont réparties et où chacun assume sa part. Poli­tiquement, quand l'anarchie a participé au  pouvoir comme en Espagne, cela a fonctionné en raison d'une éducation politique très poussée. Mais cela a été détruit de fond en comble par Franco et le parti communiste. La loterie, c'est l'aboutissement de l'idée anarchiste. L'art aussi.

Anarchie et art

La fonction de l'art, c'est de soulever le couvercle pour qu'on puise respirer, c'est d'élargir les terrains de jeux. Réagir à la société par l'art, c'est ouvrir des perspectives. Il y a quelques années, le moindre croquis satirique sur le roi Baudouin faisait l'objet de saisie.Aujourd'hui on se moque du prétendant au trône, le prince Philippe. Il y a un vrai questionnement sur la dotation royale. Mon tra­vail a porté ses fruits ! L'art a une fonction sociale : ques­tionner continuellement les dirigeants en soulevant des questions fondamentales. Comment vivre mieux ? Où en est le bonheur ? A-t-on encore le droit de penser ? Est-ce qu'on va continuer à se marrer ?

 
Voyage au centre du cerveau d'un belgitateur

À mille trilliards d'années-colère de ces amouronanouilleries, publiées en diarrhée continue, que la critique mol-bourgeoise continue criminellement' à flattolouanger, Jan Bucquoy peut se targuer d'avoir offert à l'année 2007 un de ses plus excitants marmots littéraires. Il s'agit de La vie est belge, un insolite assemblage, censément griffonné du cloaque d'un cachot au lendemain d'un putsch manqué, de propos philosophiques cassegueulants et de juteux sou­venirs oscillant entre réalisme pipéracé et fantasmatique farfeluité, ainsi lorsque notre Don Juanquichotte conquiert et clitorise la juge d'instruction en (dé)charge de l'auditionner... Festin d'hilarité ? Oui.

Sans cesse électrisé par le crépitant humour chaufroid dont il a le secret, l'écrivain règle, en cet enculant opuscule, jouissivement ses comptes avec l'armée de crevettes qui l'horripilent : la langue française, le cinéma flasque, le travail, la société, le capitalisme, la famille royale, les politiciens rampants (pléonasme), le ventripotent bonghoud, les intellos pisse-vacuité, sans oublier sa propre mère qu'il compare tantôt à Attila, tantôt à une Médée qui n'aurait pas eu le cou­rage de l'infanticide.

Évoquant tour à tour, à travers certaines femmes qui l'inspirèrent, ses échecs ou triomphes érotico-sentimentaux, ces confessions impudiques du plus infréquentable des réalisateurs actuels nous mènent également sur les pourlécha-toires traces du Musée du slip ou de la femme, du légendairauthentique Dolle Mol en tant que vivifiant repaire de complocopulateurs, du Festival de Cannes telque vécu par un éternel centrifuge empêtré dans la drague capotante, de ses amitiés électives dont celle avec le fabuleux Noël Godin, sur cent chemins de controverses enfin qui nous met­tront entre autres sous le nez de cyniques conseils aux jeunes comédiennes (sucécouchez pour décrocher le rôle concupiscé) ainsi qu'un alléchant échantillon du programme anarchonirique sous-jacent au coup d'État annuel de notre séditieux turluron.

Mais tout cela ne ferait pas de mal à un plouc si Bucquoy ne nous abreuvait au passage de certaines succulences de provocation suffisamment hors du convenu pour que toute muqueuse subversive à de telles phrases se congestionne en prurit nitroglycérinophile !

Partant du principe que « la vie de l'homme a toujours été de la merde », outre le sotériologique esprit de révolu­tion dont il nous offre le paradigme, Jan propose comme remèdes deux nouveaux types de pilules tout aussi fasci­nantes que celles qui nous permettent de multicoïter à volonté sans concevoir un fœtus qui n'en demande franchement pas tant. La pilule B tout d'abord : totalement gratuite et sur délivrance libre, « elle permettra à qui veut de se suici­der dans l'allégresse : la mort où je veux et quand je veux sera la première des libertés fondamentales ». Nous n'avons pas choisi de naître : quel babouin fasciste en effet aurait l'indécence de nous dénier le droit de mourir dans la vo­lupté ? Que notre société nous frustre d'un droit aussi limpide indique à suffisance combien elle mérite d'être dé­truite à coups de bombes hyperatomiques si nécessaire.

La pilule S ensuite, non moins réjouissante : « Prolétaires de tous les pays, stérilisez-vous. Faire des enfants est un crime contre l'humanité. En Belgique libérée, il y aura un permis de procréer, qui s'inspirera du permis de conduire. Le but de la Belgique sera d'arriver à natalité zéro. La pilule S (comme stérile) sera distribuée gratuitement dans le métro, au même endroit que la pilule B. » Pilule B, pilule S et permis de procréer : voilà des idées bien propres à faire exploser la pustuleuse cervelle microscopique des bien-mal-pensants et des crabouledogues de la déprimante morale publique. Comme si de tels missiles ne suffisaient pas, notre révoltartiste surenchérira dans le pire tabou de notre temps, l'anti-natalisme radical : « Arrêtons de faire des gosses. Ça ne sert à rien que mettre au monde des malheu­reux. Et puis les gosses nous bouffent les oreilles », ce que ne démentira certes pas la préfacière de l'ouvrage, Co­rinne Maier, elle-même gratifiable il y a peu d'un « No kid » magnifiquement pédophobe et dynamitesquement familicide. On l'aura compris, La vie est belge, c'est un peu le cinéma de Bucquoy figé sur papier plutôt que sur pellicule, avec une généreuse giclade d'acide en plus dans le strangulanus de nos tristes us ; c'est surtout un document essentiel sur un des derniers créateurs viscéralement insoumis de notre époque ainsi qu'une cruciale occasion de rire en fomen­tant de futurs assauts contre la calvicitadelle des gâcheurs de jouissexistence. Citons une déclaration d'amour de l'au­teur pour vaginclure : « Jusqu'à la fin de ma vie, je ferai qu'une chose, te caresser la chatte. Ce sera un acte de foi et une performance artistique. »

Théophile de Giraud

  
Le phénomène Jan Bucquoy

Quelques fois par an, il apparaît à la télévision belge, des deux côtés de la frontière linguistique :Jan Bucquoy. Des journaux comme le Soir, Libération, De Morgen et Humo savent toujours où le trouver pour engager un débat, pas trop sérieux, sur l'avenir de la civilisation, la réforme de l'État, la crise économique ou la dynastie, et ce tout en sa­chant qu'il n'est ni moraliste, ni politologue ou analyste boursier, ni intime de la princesse Mathilde. Mais Bucquoy apporte une indéniable plus-value. Il est toujours prêt à un commentaire bouffon, et ses réactions imprévisibles font quasi toujours de la bonne télévision.Vu sa réputation de dingue et d'étourdi, seules des personnalités confir­mées, expérimentées, de la télévision osent l'inviter. Dans les programmes populaires, on ne le voit jamais ; ce n'est pas qu'il serait trop difficile à comprendre, trop théorique ou trop intellectuel pour le commun des téléspectateurs, mais au contraire parce qu'il est bien trop accessible. Le paysage audiovisuel belge n'a pas oublié comment, dans le très populaire programme « Incredibile » de Felice Damiano, diffusé en direct sur une chaîne flamande, il sortit tout à coup (ou brusquement) deux figues de sa poche pour figurer la prune de la reine Fabiola. Bucquoy est irréduc­tible et le réalisateur de télévision doit avoir les reins solides pour rester maître du jeu et ne pas se laisser entraî­ner dans une danse endiablée aux quatre coins du studio.

Ses apparitions dans les médias excitent la curiosité quant à sa personnalité. De quel ciel Jan Bucquoy est il descendu, de quel trou de la terre est-il sorti en grimpant ? Comment peut-on comprendre son existence? Dans ses BD, en collaboration avec les dessinateurs Vidon et Hernu, il apparaît comme une triste andouille désespé­rément à la recherche d'amour et de rapports sexuels et constamment déçu par le matérialisme et la froide indiffé­rence du monde.de sorte qu'il ne voit d'autre solution que de s'accommoder de lui même et de ses minables conditions de vie, tout en espérant un lendemain meilleur.

Dans ses films aussi, on retrouve beaucoup d'idées et d'antécédents de Bucquoy, mais l'accent y est différent. Il y semble souvent plus joyeux, motivé, entreprenant et révolté, comme si le tournage d'un film l'amenait aune approche plus positive de la vie.

Comme réalisateur, il reste très méconnu, ce qui a sans doute à voir avec ses nombreuses diatribes sans nuances contre la dynastie et l'establishment politique et économique. À la fin de 1989, il a déclaré, dans le magazine Nova, de la chaîne de télévision néerlandaise NOS, qu'il aimerait serrer la main du roi Baudouin, avec une grenade cachée dans sa paume, pour qu'ils volent tous deux en l'air. Un parricide suicidaire symbolique qui aurait été du gâteau pour Freud.Trois ans plus tard, il y eut la fameuse décapitation du buste royal en plâtre.

Malgré ces exploits provocateurs,Jan Bucquoy s'est vu octroyer, sur proposition de la Commission cinématographique flamande, une subvention de 162 500 euros, pour Camping Cosmos. Mais le ministre des médias, Eric Van Rompuy, est intervenu pour en empêcher le paiement, piétinant ainsi toutes les règles de bonne gouvernance. Les protestations à la tribune du gouvernement flamand n'y ont rien changé - pourVan Rompuy, le film était honteux, et il a tenu à main­tenir son veto illégal. Ce qui n'a d'ailleurs pas empêché Bucquoy de terminer son film et de le sortir en salle.

Les films qui ont suivi, malgré leur évident caractère low budget, méritent, eux aussi d'être revus.Tournés « avec rien », on y voit des amis et des connaissances de Bucquoy qui, bénévolement, jouent leur propre vie, avec tant de naturel qu'ils paraissent plus vrais que bien des acteurs professionnels. Les dialogues et le jeu sont remarquablement souples et spontanés, sans ce côté « appris-par-cceur » dont souffrent tant de films belges (du moins du côté flamand). Buc­quoy n'a d'ailleurs pas appris le métier chez un Roland Verhavert, un Fons Rademakers ou un Robbe De Hert, mais plutôt avec le « cinéma-vérité » français de personnalités comme William Klein, Jean Eustache et, surtout, Jean-Luc Godard. Et plus encore que Godard, Bucquoy est un réalisateur à message, qui, sur base d'un scénario quasi inexis­tant, énonce ses articles de foi avec un zèle messianique.

Ces articles, on les trouve dans ses films, mais aussi dans ses écrits, est sa plus récente publication, La vie est belge (2007), les reprend largement. Le premier article, qui est aussi le principal, c'est qu'il faut, au plus vite, une révolution qui réalise immédiatement tout le programme de Bucquoy.

Cette révolution, qui doit commencer immanquablement le 21 mai, ne doit pas nécessairement être une révolution mondiale, mais peut se limiter à la seule Belgique. Ce pays se trouve en permanence dans un état inachevé et chao­tique, et compte de nombreux habitants enclins à l'anarchisme. Circonstances qui en font le lieu parfait pour servir de laboratoire expérimental psychologique et sociopolitique.

Dès que ce jour particulier, soit le 21 mai prochain, le Palais royal sera occupé par le peuple et le gouvernement sera jeté sur le pavé ; l'église et l'armée, la propriété privée et les élections, le mariage et le droit successoral seront abo­lis d'un trait de plume. Ensuite vient une gigantesque loterie, qui reprend tous les éléments de base de la vie et les organise. Cette loterie est permanente et distribue à la population les logements, les véhicules, et tous les autres biens. Il est à remarquer que cette distribution ne se fait pas selon les besoins, mais d'une manière purement aléa­toire, dont seul le hasard décide.

Le dérèglement total qui en résulte est plutôt à considérer comme un avantage que comme une catastrophe, du fait qu'il ouvre une porte sur des formes de vie nouvelles, improvisées et donc plus authentiques. Des pauvres se retrouvent dans des villas et des riches dans des petits appartements du CPAS - et puis qu'ils se débrouillent. La lotocratie détermine même la vie professionnelle, pour autant qu'il ne s'agisse pas de professions trop spécialisées. Selon Bucquoy, la plupart des professions que les gens exercent ne sont guère plus que des professions-bidons, pou­vant tout aussi bien l'être par quelqu'un d'autre. La lotocratie n'est d'ailleurs pas une invention de Bucquoy seul. Le concept apparaît déjà chez Aristote et est donc presque aussi vieux que la démocratie. Mais il n'a jamais été appliqué au niveau administratif et reste dès lors une idée politique de nature utopique. En outre, le monde nouveau de Jan Bucquoy est un paradis erotique, où tous appartiennent à tous dans l'amour parfaitement libre. Pour ceux qui à qui tout cela ne plaît pas.il y a la pilule B,gratuite, qui provoque d'abord l'euphorie, puis le sommeil, et finalement la perte de connaissance aboutissant à la mort.

Il y a une autre façon de s'initier à la Vie et la Pensée de Jan Bucquoy : dans son métier d'artiste, qu'on peut sans exa­gérer qualifier d'unique. On ne trouve, ni en Belgique, ni à l'étranger, aucun artiste qui lui ressemble tant soit peu. Pourtant, il n'a pas inventé une forme d'expression unique - il fait tout simplement des peintures, comme tout un chacun. À cette remarquable différence près qu'il ne pratique pas la peinture par amour, mais par dégoût. Dans La vie est belge, on lit en page 21 : « L'art, c'est bidon, des branleurs qui se la jouent pour éviter d'aller bosser tous les jours, c'est bien leur seule qualité. Pour moi, l'art ne peut servir qu'à gommer les moments nuls de la vie, qu'à chambouler le monde.» Et dans un entretien avec Humo, il déclare,en août 1994 :«Je ne sais pas ce qu'est l'art.Je ne pense pas moi-même que je m'occupe d'art. Je m'occupe de la vie. La vie est plus importante que l'art. Comme je viens de le dire : si la vie nous offrait un peu plus de bonheur, il n'y aurait tout simplement pas d'art. Savez-vous ce que c'est, l'art ? Le roi Baudouin qui est décapité sur la Grand-Place par un simple fils d'ouvrier de Harelbeke. Ça c'est inno­vateur. Ça, ça ouvre des perspectives. [...] Le roi Baudouin était un mythe. En décapitant son buste de plâtre, je vou­lais montrer qu'il faut toujours mettre en question le pouvoir. Mais personne n'en a compris l'ironie.Tout le monde pensait que j'avais décapité le vrai roi. »

Ce n'est pas l'œuvre d'art en soi qui compte pour Bucquoy, ni non plus les valeurs qui y sont liées, comme la maî­trise technique et l'esthétique supérieure, la profondeur philosophique ou contemplative, le prestige financier ou so­cial. Au lieu de lui inspirer respect et adoration, ces notions ne font que le dégoûter. Cette profonde aversion s'étend à tout le monde de l'art, directeurs de musée, curateurs, collectionneurs d'art, critiques et artistes compris. Chaque œuvre de Bucquoy est donc aussi une assertion par laquelle il proclame ce message élémentaire et parfaitement clair, à savoir qu'il se fiche de tout ce que l'on a l'habitude d'appeler art et qu'il ramène tout cela à un seul dénominateur, celui de la vanité, de la hâblerie et du snobisme.

Chaque toile de Bucquoy est l'œuvre d'un enragé et c'est d'ailleurs ainsi qu'elle a été faite, comme dans un accès de colère. À la fin des années 1990, il est allé habiter, d'une manière très appropriée, dans un ancien cinéma à Harelbeke, qu'il a appelé « Bucquoy's Palace ». Là, son atelier était spacieux à souhait. Il se procura donc un grand rouleau de toile, de pas moins de quinze mètres de long, il le déroula par terre et se mit au travail avec une raclette et trois grands pots de peinture, du bleu clair pour l'air, du bleu foncé pour la mer et de l'ocre pour le sable. Quand il eut traité l'ensemble du rouleau avec ces couches de couleur, il le découpa en huit grands rectangles qu'il tendit sur des cadres. Jamais, dans l'histoire de l'art, une marine n'avait été plus vite accomplie. Les toiles, qui formaient encore plus ou moins un tout, allaient représenter la côte belge et reçurent donc le nom de communes côtières, depuis De Panne jusqu'à Knokke.

Et de la même façon qu'il concevait la peinture de marines, Bucquoy réalisait ses portraits de rois, ses interprétations obscènes deTintin, et sa série Olie op doek / Huile sur toile / Oil on canvas, pour une exposition au Frit'Kot Museum à Anvers, et qui consistait simplement à montrer des torchons tachés d'huile de friture.

L'ultime vérité sur Bucquoy se trouve peut-être dans l'enregistrement fidèle de ses nombreux procès-verbaux et dé­clarations devant les tribunaux. La plupart du temps, policiers et juges semblent le considérer comme un individu assez innocent, tombé presque par hasard entre leurs mains, et qui n'y est pas vraiment à sa place. Car Jan Bucquoy sait comment il doit rapidement ajuster son image. « J'ai jeté une tarte à la crème au ministre de la Culture. Et alors ? » Dans La vie est belge, il en donne un exemple amusant, quand il raconte comment,fidèle à son credo «Tu n'as aucune chance, alors saisis-la », il a essayé de faire la cour à une juge. Pour de telles recherches, les dossiers de la police et les procès-verbaux des tribunaux ne sont malheureusement pas accessibles.

La relative tolérance des autorités belges à l'égard de Bucquoy vient sans doute de ce que l'opinion publique lui est assez favorable. Sur la liste des nominations pour le Plus Grand Belge, il occupe une belle quatre cent nonante-deuxième place.Ainsi Jan Bucquoy peut-il encore bien prospérer. Il n'est pas considéré comme une curiosité, ni comme un clown médiatique dont tout le monde s'est déjà fait d'avance une idée, mais comme un individu qui ne craint pas de venir parler à la télé d'un sujet particulièrement intime comme le suicide de sa fille.

Aux Pays-Bas, on l'aurait depuis belle lurette mis de côté comme relique sans actualité de l'époque des provos. En France, on l'aurait classé tant bien que mal dans l'un ou l'autre sous-groupe politique, dont il porterait inévitablement l'étiquette, jusqu'à sa mort. En Allemagne, il croupirait depuis des années à la prison de Spandau, dans la cellule soli­taire de Rudolf Hess. En Angleterre, il ferait chaque semaine un discours, debout sur une caisse à savon, au coin de Hyde Park, même si l'on ne peut précisément pas y parler des deux sujets qui lui tiennent le plus à cœur : la famille royale et le renversement du régime.

Et pourtant, tous nos pays voisins raffolent du Belge Jan Bucquoy, tant qu'il habite en Belgique et qu'il y reste. Il y est régulièrement cité comme l'exemple type de la vraie belgitude, le sujet d'étude idéal pour qui veut apprendre à connaître déplus près cet état d'esprit particulier. Et ce n'est pas à tort - dans sa personne, toutes les contradictions et tous les paradoxes belges trouvent tant leur apothéose que leur réconciliation. Bien qu'il colporte le même mes­sage depuis des décennies, il trouve toujours un public dans les principaux médias du pays. Conclusion : la Belgique aime Bucquoy. Elle ne pourrait se passer de lui. Un jour, il exposera avec Delphine Boël. Ensuite, il deviendra Cheva­lier de l'Ordre de Leopold. Puis, il sera invité à l'enterrement de Fabiola. Pour finalement devenir conseiller du roi Philippe Ier. Et nul Belge n'en sera surpris.

Paul Ilegems
janvier 2009

Perspectives ?

J'ai la conviction que mon travail ici est abouti. On n'a plus besoin de moi en Belgique. Place aux jeunes. Maintenant il y a le reste du monde... il y a du travail ailleurs. Et tout reste à faire.Au lieu de baisser les bras, quand tout paraît impossible, il faut attaquer avant l'aube, même si, comme moi, on n'est pas lève-tôt. C'est cela la position artistique.

  
Jan Bucquoy
 
Né le 16 juin 1945 à Harelbeke, Belgique
Vit et travaille en
 Belgique et en France
  

Discographie

1992. Love me too, Bucquoy and the rainy days (J. Bucquoy et L Bortolami), Sing Mary publishing.
2005.
Hymne national belge, CD, 2005 Sudden fever.

Expositions

1969. Année erotique, exposition collective, Gand, Blandeinberg.

1970. Collages, Centre dramatique de l'Est, Strasbourg.

1978. Collages, Grüssen aux Belgiën, De Welkom, Harelbeke.

1988.  50 portraits de la famille royale, Dolle Mol, Bruxelles.

1989.  Kings, Queens andTintin, St Paulusplein, Oostende.

1990-1995. Le Musée du slip, Bruxelles /// Le Musée de la Femme, Bruxelles.
1991.  Kings, Queensjintin, Underwear,Women and the Belgian Cost, Cirque Divers, Liège.
1992.  Facsimiles des œuvres saisies par le Parquet de Liège, galerie Simbaddad, Bruxelles /// Photos des œuvres saisies, Centre Guernica, Bruxelles /// Les Belges arrivent, Cavaillon, France.
1994. Belge, Cercle estudiantin du Centre, Louvain-
la-Neuve.
1996. Naaktfoto's, Keldertheater.Antwerpen.
1998.  Retrospectives, Centre culturel de Hasselt, Hasselt.

1999.  Back in Town, Centre culturel De Geus, Harelbeke.
2000-2002. Buocquoy's Palace, Harelbeke.
2002.  La Vie sexuelle de Tintin, galerie Amfora, Bruxelles.
2003.  La vie est belge, Centre culturel des Riches Claires, Bruxelles /// La vie est belge, Centre culturel Noroit.Arras, France.
2004.  Olie op doek, Frit'Kot Museum, « Chez Max », Anvers.
2005.  Subversion, Maison du peuple, Carnières.
2006.  La Côte beige, galerie Bortier, Bruxelles /// La Vie sexuelle de Tintin, galerie Bortier, Bruxelles /// La vie est belge, Ateliers Mommen, Bruxelles /// Berlinale Off, Retrospective, Hendrickx Bar, Berlin.
2007.  Paysages belges, galerie Mayer, Bruxelles /// Rebel Whit a Cause, Dolle Mol, Bruxelles /// La vie est belge, Le Groland, Quent, France /// Huile sur toile, galerie Amfora, Bruxelles /// Le Musée de la frite, Beauvais /// Père et Fille, avec Marie Buquoy, Bruxelles.
2008-2009. Collages. Mana art, Bruxelles.
2008-2009. Art rebelle (exposition collective : Stas, Mariën, Boël, Charlier, Kamagurka...), Aeroplastics,
2009. Bucquoy Illustrated, 100Titres, Bruxelles.

Filmographie

1965. Vert, 35 mm, 5 min.
1969. La Côte belge, 4 min, 16 mm.
1976. Déterrement du cadavre du général de Gaulle à Colombey-les-Deux-Églises, 50 min, 16 mm.
1980. Réponse à une petite annonce, 5 min, 16 mm.
1981. Mort d'un poulet, 10 min, 16 mm.
1989. Jan Bucquoy and the Rainy Days, 50 min, 16 mm
(Vidéo-clip).
1993. LaVie sexuelle des Belges I950-I978.8S min, 35 mm,Transatlantic Films (jusqu'au bout).
1995.  Camping Cosmos (La Vie sexuelle des Belges II), 90 min, 35 mm.
1996.  Crème et Châtiment (l'entartement de Daniel Toscan du Plantier au 49° Festival de Cannes), 70 min, digital.
2003. Sunday, Chicken day, 7 min, digital.
2005.  Coup d'État 05,30 min, /// Les Vacances de Noël, 80 min, digital.
2006.  Coup d'État 06, 30 min, digital /// Coup d'État 07,20 min, digital.
2008.  Coup d'État 08, 15 min, digital.
2009.  L'Art du couple, Part I, 95 min, digital /// L'Art du couple, Part II, 360 min, digital.

Happenings

1965. Jetez votre télé dans la rue, Harelbeke.

1966. Remplacement des drapeaux belges par des drapeaux d'Union soviétique, Harelbeke.

1967. Flower Power, etc. (distribution de fleurs à la population), Harelbeke, Zwevegem.

1968. Joli moi de mai, Strasbourg, Paris, France.
1
972 à 1977. Aide balistique aux groupes contestataires, Allemagne.
1990.  Décapitation du roi des Belges sur la Grand-Place de Bruxelles, Grand-Place, Bruxelles.
1991.  Les Cendres de Magritte (mise à feu d'une toile de Magritte et récolte des cendres), Musée de la femme, Bruxelles.
1991. Prise d'émission en direct, « Ciel Mon Mardi », antenne de TFI, France. 1991. Prise d'émission en direct, « Incredible », antenne de VRT, Belgique.

1991. Prise d'émission en direct, « Entre Nous », antenne de RTL-TVI, Belgique.

1992. Le « vrai-faux procès » de Bucquoy, Cirque Divers, Liège.
1994.  Exposition des œuvres saisies au Cirque Divers, parvis du palais de Justice, Liège. 1992 à 2002. Conseiller d'entartage de Noël Godin. 1997. Création du parti « Banane », élections fédérales, Belgique.
2005.  Occupation du Camping Cosmos.
2006.  Occupation du Dolle Mol.
2005 à 2008. Coup d'État du 21 mai. Palais royal, Bruxelles.

Théâtre et One Man Show

1982.Est-ce que les femmes sont frigides ?, théâtre de l'Ancre, Charleroi.
1986. Pirana et Buquoy, Saxo, Ostende.
1991. Drie Dolle Dichters, De Zwarte Komedie,
Antwerpen.
2000. La Véritable Histoire de la femme nue, Keldertheater, Antwerpen.
2005. La Roue de la fortune, Festival d'Avignon, France.

Textes et bandes dessinées

1976. Elles vivent sous terre et ne sortent que la nuit, roman, Oswald, Paris.
1979. Le Bal du rat mort, Michel Deligne, Bruxelles,
Prix de la meilleure BD belge.
1980-1989.Jaunes, (7 albums), Glénat, Paris.
1980-1989. Chroniques de fin de siècle, (5 albums), Alpen Publisher, Genève.
1
981 -1989. Alain Moreau, (5 albums), Alpen Publisher, Genève.
1983. Charles Miller, Ansaldi, Bruxelles.
1
983.Jérôme Tailleriche, Drukwerk,Amsterdam.
1984-1988. Stone, (3 albums), Glénat, Paris-Bruxelles.

1985. La Disparue du port d'Anvers, roman, NCM, Bruxelles / MDM, Paris.
1988. Les Aventures de Jan Bucquoy, Glénat, Paris / Loempia.Anvers /// Lou Strass (3 albums), Glénat, Paris-Grenoble.

1986-1989. Les Chemins de la gloire, (3 albums), Glénat, Bruxelles, Prix de la meilleure BD belge.
1989.  Frenchie, (3 albums), Loempia.Anvers.
1990.  Indochine, Glénat, Bruxelles.
1991.  La Vie sexuelle de Jan Bucquoy, Loempia, Anvers / Magic strip, Paris. Traduit en allemand, baskisch, deens, espagnol, finois, grec, italien, noors, portugais, etc.
2005. Chronique d'un coup d'État annoncé, roman, le
Somnambule équivoque, Liège.
2007. La vie est belge, essai, Michalon, Paris.

  

  Avec le soutien des autorités flamandes  

                 Remerciements à la RTBF, la Deux, magazine Hep Taxi !              

  

Editeurs / Editors / Editors 100Titres/Yellow Now
Conception et coordination / Conceptie en coördinatie / Design & coordination Alain deWasseige
Documentaliste / Documentalist / Documentalist Sophia Wanet
Textes/ Texten /Texts Jan Bucquoy en collaboration avec Alain deWasseige ; François Coadou, philosophe ; Théophile de Giraud, écrivain et performeur ; Paul Ilegems, auteur ; Corinne Maier, écrivain
Traduction /Vertaling /Translation Ann Englander, Danny Frijlink, Kris Lambert, Bridget O'Meara
Photogravure / Fotogravure / Photoengraving Guillaume Dendeau, Anaël Desablin
Photographie / Fotografie / Photography Philippe Gielen : p. 47 (bas), 60, Richard Olivier : p. 124, Nathalie Sartiaux: p. 92,93, Luc Schrobiltgen : reproductions des oeuvres, Carinne Timmermans :46,47 (haut), 99
Lay-out Guillaume Dendeau
Mise en pages / Opmaak / Page lay-out Guyjungblut
Impression / Drukken / Printing Atelier Raymond Vervinckt et fils, Liège

II n'a pas toujours été possible de retrouver les références précises de certains articles de presse repris dans ce livre. Nous prions les auteurs et le lecteur de bien vouloir nous en excuser.

  

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D/2009/2310/4 Yellow Now
ISBN 978-2-87340-241-9 Yellow Now