2. la solution finale à l'Ouest: d’un paradoxe français à un mi-chemin belge!

Table de matières  Print (21p)

2.  1  Un paramètre à trois variables
2.  2  Un parallélisme remarquable
2.  3  Des contrastes flagrants
2.  4  Le radicalisme ‘néerlandais’
2.  5  La police SS et la “direction des affaires juives
2.  6  Les Juifs dans les représailles
2  .7  Les travailleurs obligatoires juifs du Mur Atlantique
2.  8  Le paradoxe xénophobe de l'évacuation
2.  9  Le moindre mal ‘belge’
2.10  La “discrimination” française
2.11  L'hypothèque du travail
2.12  Un paradoxe paradoxal

2.1 Un paramètre à trois variables*

La toute première source d'archives relatives à la question juive à l'Ouest fournit d'emblée une clef de lecture de la Judenpolitik des autorités d'occupation. “Provisoirement”, indiquent, avant l’invasion du 10 mai 1940, les directives pour l'administration des territoires de l'Europe occidentale à occuper, “on ne peut pas baser des mesures à prendre contre une personne sur le seul fait qu'elle est juive[1]. Le document recommande même aux services allemands de “s'abstenir” d’“entamer la question des races”. Cette retenue initiale - elle est levée à l'automne 1940 - signale la flexibilité qui préside au traitement de la question juive dans cette partie de l'Europe occupée. Le ‘provisoire’ allemand invite à lire, avec la même subtilité que ses responsables l'ont entamé, cet événement de l'occupation nazie qui, pour en avoir été le plus meurtrier, demeura pour les occupés, le plus énigmatique jusqu'à l'issue de la guerre.

Une lecture des persécutions et spécialement des déportations juives qui privilégie le sens de l'opportunité de leurs auteurs a l'avantage d'introduire un facteur dynamique dans la compréhension de la politique ‘juive’. A l'Ouest, l'histoire de la solution finale ne se réduit pas - et certainement pas en Belgique[2] - à un processus linéaire dont le pouvoir allemand aurait conservé l'entière maîtrise tout au long de son déploiement. D'emblée, le contexte en hypothèque le déroulement. La détermination allemande à poser la question juive et à la résoudre ne suffit pas à rendre compte de l'événement dans sa totalité. Le paramètre qui en saisit le ressort est obligatoirement tripolaire. Il comprend, outre la variable allemande elle-même composite, la société où la solution finale s'est appliquée et les Juifs qu'elle a concernés. L'événement s'articule entre ces trois pôles: chacun interfère et c'est leur interaction qui le produit, dans chaque cas, avec ses caractéristiques particulières.

Cette lecture globale et dynamique commande l'analyse et l'interprétation des comportements de chacun des acteurs. On s’intéressera surtout ici au premier pôle, au pouvoir d’occupation dont le sens de l'opportunité indique justement qu'il a, quant à lui, pratiqué cette approche globale du champ occidental dans le traitement de la question juive. C’est sa responsabilité particulière dans l'action antijuive. L'initiative de la politique antijuive, la définition de ses objectifs et l'élaboration de ses modalités - en somme sa cohérence interne et sa conformité - relèvent des instances centrales du IIIe Reich. Il incombe aux autorités allemandes du territoire occupé d'y mettre en oeuvre des mesures conçues et programmées ailleurs. L'administration militaire en Belgique le dit fort bien dans son rapport final: son action antijuive procédait tout autant de "l'optique national-socialiste face à la question juive" que du "désir d'unifier les mesures d'application dans le Reich et dans les territoires occupés"[3].

Cette synchronisation s’opère à l’Ouest dans le cadre d’un plan sectoriel s’appliquant à l'ensemble des Juifs de la région. On apercevra ici combien il importe de prendre en compte cette dimension occidentale pour apprécier la mise en œuvre du même plan dans chacun des pays.

2.2 Un parallélisme remarquable

L’historiographie n’a guère retenu cette façon d’étudier l’action antijuive de l’occupant d’un point de vue ‘occidental’ . Elle n’a envisagé cette dimension que sous un angle géographique et dans la perspective où se situait “la solution finale de la question juive en Europe”, comme elle avait été annoncée à la conférence de Wannsee, le 20 janvier 1942. Dans cette approche, l’Europe occidentale est seulement la partie occidentale du continent qu’on parcourt, en arc de cercle, de la Norvège à l'Italie. On passe ainsi par les Pays-Bas, la Belgique et la France dont on ne retient pas qu’ils constituent un ensemble régional traité comme tel dans le plan nazi. Sans autre repère dès lors que la solution finale à l'échelle continentale, on est conduit, dans le cas occidental, à conclure à l’"irréductible spécificité de chacun des pays examinés"[4].

Une dimension occidentale commune aux trois pays, envahis le 10 mai 1940 dans un même mouvement, n’est cependant pas un artifice d’une historiographie en mal de comparaison. Le détour est obligé dans la question juive. On l’aperçoit en filigrane justement à cette conférence de Wannsee où il est annoncé que sa “solution finale […] devra être appliquée à environ 11 millions de personnes”. Leur répartition par pays amène à s’interroger sur le cas particulier de l’Ouest. Dans cette statistique, le service antijuif du lieutenant-colonel SS Adolf Eichmann à la Sécurité du Reich totalise plus d’un million de Juifs rien que pour la France , la Belgique et les Pays-Bas[5]! Ce chiffre occidental est surfait. Il est à réduite de moitié, en réalité. L’erreur provient de l’exagération du nombre de Juifs en France, délibérément gonflé du simple au triple. Emportés par leur frénésie antisémite, les policiers SS soupçonnent la présence de près de neuf cent mille Juifs dans ce pays! Cette démesure manifeste[6] conforte le fantasme d’une France présentée comme leur “citadelle européenne[7], selon la formule du chef de la Sécurité du Reich, et même comme “le foyer du judaïsme pour l'Europe[8], au dire de son officier SS en charge des affaires juives à Paris.

Dans un tel scénario où l’imaginaire fait violence à la réalité, le dispositif antijuif mis en place à l’Ouest vise en premier lieu les Juifs de France et, dans la foulée, englobe ceux, voisins, de Belgique et des Pays-Bas. Leur élimination de la vie publique, économique, culturelle et sociale, puis leur déportation vers l'Est se déroulent avec une symétrie et dans une simultanéité remarquables. C'est, en même temps, que la question juive est posée à l'automne 1940, dans chacun des trois pays. Les premières “mesures contre les Juifs comme telles et uniquement contre les Juifs[9] sont décrétées en France le 27 septembre. Les légistes de l’administration militaire d’occupation, mal à l’aise avec le prescrit de la convention de La Haye sur les devoirs respectifs des occupants et des occupés, recourent au biais d'une ordonnance interdisant la “pénétration des Juifs en zone occupée” en France: elle “peut”, arguent les militaires allemands, “être facilement justifiée par la mentalité anti-allemande des Juifs et le danger qui en résulte pour les occupants”. La brèche ainsi ouverte à l’Ouest, les autorités d’occupation aux Pays-Bas et en Belgique s’alignent, décrétant à leur tour un dispositif antijuif, respectivement les 22 et 28 octobre. Se déployant pratiquement au même rythme du Sud au Nord, cette phase législative du statut des Juifs, préalable indispensable à la déportation, s’achève moins de deux ans après, au printemps 1942, avec le port obligatoire de l’étoile jaune, le 29 avril, aux Pays-Bas et, le 27 mai, simultanément en France occupée et en Belgique. “Mesure de police” concertée par les officiers SS chargés des affaires juives à Paris, Bruxelles et La Haye , l’étoile jaune, annonciatrice de la déportation imminente, consacre le processus de discrimination, de ségrégation et d'exclusion organisé pendant les deux premières années de l’occupation.

Le prochain pas à accomplir serait leur évacuation de Belgique qui ne peut être décidée d'ici, mais par les services compétents du Reich dans le cadre des plans généraux", annonce le 15 juin le pouvoir allemand à Bruxelles dans le secret de sa correspondance avec Berlin, constatant que sa tâche législative est “terminée[10]. Les militaires allemands dans la capitale belge ne le savent encore, mais la décision de franchir ce “pas” vient d’être communiquée à l’officier SS en charge des affaires juives à Bruxelles. Eichmann, l'homme des "évacuations" juives à l'Office Central de la Sécurité du Reich, l’a fait convoquer par son collègue en charge à Paris à une réunion commune avec leur collègue de La Haye , le 11 juin dans son bureau à Berlin. Derechef, la décision, centrale et planifiée, d’entamer les déportations juives de l’Ouest, s’applique dans un même assaut aux trois pays. L’ordre vient de Himmler, le chef des SS dans le Reich. Et de concert, ses agents à l’Ouest se répartissent un premier contingent occidental à déporter de 90.000 Juifs: 40.000 pour la France , 40.000 aussi pour les Pays-Bas, et seulement 10.000 pour la Belgique[11]. A son retour, l’officier SS de Paris, toujours excessif, donne à ses supérieurs en France, une autre version de cette distribution des rôles dans la déportation occidentale. Lui s’attribue la part du lion: pas moins de 100.000 Juifs à déporter de son ressort territorial. L’essentiel n’est pas dans ces quotas. Ils seront très vite revus à la hausse, lors d’une nouvelle conférence de travail des chargés des affaires juives, le 28 août. Ce qui est décisif le 11 juin, c’est de commencer enfin de faire rouler des trains de la Solution finale. Dans cette action concertée dont l'exécution relève de leur compétence, les détachements de la Sécurité à l'Ouest font partir leurs convois à peu de choses près dans le même temps: ils quittent les camps de rassemblement de Westerbork aux Pays-Bas, le 15 juillet, de Drancy en France, le 19[12] et de Malines en Belgique, un peu plus tard, le 4 août.

2.3 Des contrastes flagrants

Ce parallélisme dans la solution finale à l'Ouest n'exclut pas de réelles différences, même des contrastes bien marqués entre ces trois pays. La disparité est tout à fait flagrante dans le bilan ultime. Après le départ des derniers convois juifs de l'Ouest deux ans plus tard, le résultat n'a plus aucune commune mesure d'un pays à l'autre.

 

Les déportations de Juifs d’Europe occidentale[13]

déportés et disparus/population juive

pays

 population juive

déportés
%

disparus
%

France

300.000

75.721
25,2%

73 531
24,5%

Belgique

56.000

25 475
45,5 %

24 138
43,1%

Pays-Bas

140.000

117.000
83,6 %

111 569
79,7%

Ouest

496.000

218 196
44,0%

209 238
42,2%

Les trois quarts des Juifs des Pays-Bas, environ ont été acheminés vers les centres d'extermination d'Auschwitz et de Sobibor: quelque 110.000 sur une population d'environ 140.000[14]. A l'inverse, c'est seulement - si l'on ose dire - un quart des Juifs de France qui ont été déportés, le plus souvent vers Auschwitz, mais aussi vers Sobibor et Maïdanek: au total 75.000[15] sur une population de 300.000 environ. Le cas belge, lui, se situe à mi-chemin. Près d'un Juif sur deux y a pris le chemin d'Auschwitz: 25.000 sur 56.000. D'un pays à l'autre, la solution finale a, chaque fois, doublé son rendement. En France, le résultat peut osciller de 21[16] à 27 % selon la référence statistique[17]. Il est passé à 43 % en Belgique. Et il a grimpé à 80% aux Pays-Bas.

Dans ces écarts, seul le cas belge, avec son mi-chemin, correspond à la moyenne ouest-européenne. Dans l’ensemble des trois pays, c'est effectivement près d'un Juif sur deux - 218.000 sur un demi-million - qui a été déporté. En revanche, la tension est extrême entre les scores ‘français’ et ‘néerlandais’ et, plus encore, si l’on évalue le résultat final dans son rapport aux statistiques imaginaires du fantasme antisémite. On peut alors parler d’une véritable anomalie française. La médiocrité du résultat dans le pays le plus peuplé en Juifs à l’Ouest est réellement paradoxale[18]. Même en chiffres absolus, la France a perdu sa prépondérance dans les ravages effectifs de la solution finale, cédant la première place aux Pays-Bas, deux fois moins peuplés de Juifs. Et en chiffres relatifs, la différence est du simple au double, sinon au triple. Même la comparaison avec la Belgique est à son détriment. Qu’en chiffres absolus, la déportation de France soit trois plus nombreuse, le fait ne compense en aucune façon le paradoxe ‘français’ face au mi-chemin ‘belge’: la population juive y était six fois plus nombreuse que dans ce pays.

Dans ce rapport, les services allemands s’avèrent bien plus efficaces en Belgique qu'en France. En proportion, le score ‘belge’ multipliant par deux le résultat ‘français’, crédite les militaires allemands en poste dans la capitale belge d'un sens bien plus poussé de l'opportunité que leurs collègues de Paris: c’est que leur bilan réduit de moitié la distance entre la France administrée par l’armée comme en Belgique et les Pays-Bas dont l’administration d’occupation est confiée à des civils. Le mi-chemin ‘belge’ renseigne justement sur l'importance toute relative qu'il convient d'attribuer au régime d'occupation dans la lecture de la solution finale à l’Ouest.

L’excellence du résultat ‘hollandais’ ne signifie nullement que le facteur déterminant de ce radicalisme dans la Judenpolitik ait été sa mise en œuvre par une administration purement politique.

2.4 Le radicalisme ‘néerlandais’

Le régime d’occupation ne rend compte des différences qu’au second degré. C’est la politique générale d’occupation qui se prête à une telle radicalité antijuive dans un territoire de langue germanique laissé aux mains d’une ‘maffia’ de nazis autrichiens préparant son Anschluss à terme dans le Grand Reich allemand. Dans l'indécision régnant sur le “nouvel ordre” territorial en Europe[19], cette mainmise des Autrichiens de l'Anschluss sur le Commissariat du Reich pour les territoires néerlandais occupés, ainsi que sur ses services policiers, signifiait la détermination de gagner à tout prix ce peuple germanique aux idées national-socialistes. L'action antijuive la plus radicale sert ici les objectifs à long terme poursuivis dans l'occupation.

Aussi, s’il ne fut pas la première instance allemande à l'Ouest à prendre des mesures à l’encontre des Juifs comme tels, le commissariat du Reich aux Pays-Bas ne se laissa plus surclasser par les administrations militaires en poste en France et en Belgique. Le mouvement lancé, La Haye se trouva le plus souvent en avance d'une mesure sur Paris ou Bruxelles, voire sur Berlin! Son empressement à décréter, dès le printemps 1942, le port obligatoire de l'étoile jaune est à cet égard symptomatique. Les officier SS des affaires juives à Paris et à Bruxelles considèrent, de concert avec leur collègue de La Haye et ce dès mars, que “l'introduction [imminente] de l'insigne distinctif des Juifs dans les territoires [...] de l'Ouest est une étape dans la solution de la question juive européenne[20]. Mais, à la fin du printemps, les derniers à devoir exhiber l'étoile de leur persécution sont les Juifs de leur ressort territorial respectif. A Bruxelles - comme à Paris - l'autorité militaire avait “renoncé [jusqu'à cette date] à l'introduction de l'étoile, étant donné qu'on doit supposer que ceci provoquerait un mouvement de pitié en faveur des Juifs desquels la population non intéressée se tenait jusqu'à présent à l'écart"”[21].

A La Haye ou, plutôt à Amsterdam où 80.000 Juifs sont concentrés, le radicalisme antijuif ne s’embarrasse pas de telles considérations d’opportunité. Dès 1940, les premiers décrets antijuifs y sont catégoriquement conformes aux lois de Nuremberg en vigueur dans le Grand Reich. Leur mise en œuvre outrepasse même les pratiques administratives courantes. Aux Pays-Bas, même les personnes dont un seul grand-parent est juif - les quart Juifs - sont contraintes à l'enregistrement. Dans cette épineuse question des ‘métis’ que la présence d'un sang aryen germanique embrouille les nazis autrichiens ont même, dans le territoire néerlandais, l’arrogance de ravir l'initiative aux instances centrales du Reich. A la fureur de l'Office central de la Sécurité , son détachement à La Haye s'autorise, en 1943, à déporter également les conjoints juifs des couples ‘mixtes’ sans enfant, tandis que le Commissaire du Reich, tout aussi en avance sur Berlin, exige, pour tolérer leur présence dans son territoire, la preuve de leur stérilité, mesure qu’on n’a pas osé décréter dans le Reich même[22].

Si les hommes de Himmler aux Pays-Bas peuvent ainsi donner la pleine mesure de leur efficacité antijuive, c’est précisément parce que le pouvoir de tutelle auxquels ils demeurent soumis, comme dans les autres territoires occupés, leur laisse la bride sur le cou dans une action juive qui convient à sa politique générale. Les structures d’une administration civile sont certes aussi plus propices à l’intervention d’une police politique qui n’en est pas une instance extérieure, comme dans les territoires administrés par l’armée. Le Commissariat du Reich aux Pays-Bas comporte, dès son installation fin mai 1940, un chef supérieur de la SS et de la Police : représentant personnel de Himmler, il y a le titre de Commissaire du Reich à la Sécurité. Et dans cette fonction, le général SS Hans Rauter ne se prive pas, dès le printemps 1941, de réclamer du Commissaire du Reich, Arthur Seyss-Inquart, autrichien comme lui, qu’il lui reconnaisse, dans les affaires juives, la “responsabilité de ce domaine spécial[23].

2.5  La police SS et la “direction des affaires juives

Tenus à plus de circonspection dans les territoires administrés par l’armée, les officiers SS y revendiquent seulement pour le “délégué du chef de la police de sécurité [...] pour la Belgique et la France [...] la direction des affaires juives[24]. Exposant, dès janvier 1941, “la grande tâche” qui incombe au chargé des affaires juives “en premier lieu en zone occupée française ainsi que dans les autres territoires occupés de l'Europe”, Théodore Dannecker en poste à Paris explique qu’elle nécessite “un travail gigantesque dont le succès ne peut être assuré que par des préparatifs très minutieux […en vue de] la déportation totale des Juifs”. Et que, de ce point de vue et pour y exercer son “contrôle”, il importe, de “toute évidence”, que la “direction des affaires juives” relève du détachement de la Sécurité du Reich. La nuance entre cette “direction” que l’évidence des compétences imposerait et la “responsabilité” tout au moins exécutive que revendique le Commissaire à la Sécurité aux Pays-Bas s’estompe en France, avec la nomination au printemps 1942 d'un chef supérieur de la SS et de la police, le général SS Carl-Albrecht Oberg. Avec ce renfort dans ce ressort territorial d'un Commandant militaire, les officiers SS, des experts parmi les plus avertis dans la question juive[25], n’ont, dès lors, plus rien à envier à la liberté d'action relative de leurs collègues des Pays-Bas établis dans un territoire administré par un pouvoir civil. En tout état de cause, les SS de Paris ne sont plus soumis au contrôle d'une autorité militaire jalouse de ses prérogatives, comme ceux de Bruxelles le demeurent jusqu'à l'été 1944.

En Belgique, au printemps 1942, l’administration militaire a tout au plus toléré que l’homme de Himmler - le général SS Richard Juncglaus - arrivé dans la capitale belge pour occuper la fonction de chef supérieur de la SS et de la Police , installe un “service” - une Dienststelle - qui, faute de mieux, porte son nom. Autant que faire se peut, le chef de l’administration militaire, Eggert Reeder, pourtant titré du grade de général de brigade dans la SS , continue à contenir les empiétements incessants des services politiques et policiers allemands et leurs tentatives répétées de lui forcer la main dans la question juive. A son initiative, les militaires de Bruxelles sont les premiers à l'Ouest - dès le printemps 1941 - à objecter aux instances politiques rivales que c'est le pouvoir d'occupation qui “doit, lui, prendre les mesures contre les Juifs[26]. La protestation des militaires en France sera plus véhémente à l'automne 1941. Après l'attentat à l'explosif contre les synagogues parisiennes dans la nuit du 2 au 3 octobre, il est "intolérable", font-ils dire au commandant militaire - alors Otto von Stülpnagel - et “en vertu de [ses] pleins pouvoirs exécutifs”, “que des services allemands dans un territoire occupé rendent possibles et soutiennent dans [son] dos des actions contraires à [ses] intentions, susceptibles de saboter les missions dont [lui est] chargé"[27].

Dans cette affaire ‘parisienne’, il est flagrant que les agents de la Sécurité du Reich en France n’ont pas respecté les “prescriptions” - et elles sont “formelles” - régissant leur relation avec l'autorité d'occupation: à l'insu des militaires, Berlin a fait venir dans le plus grand secret les explosifs qui servirent aux hommes de main du Mouvement Social Révolutionnaire d'Eugène Deloncle, l'ancien chef de la Cagoule d'avant-guerre. Le commandant militaire en France laissait si “peu d'espoir de sa compréhension” devant ce coup des services policiers que le tout puissant chef de la Sécurité du Reich, Reinhardt Heydrich, le lieutenant de Himmler pour les affaires de police, est obligé bon gré mal gré de limoger tout au moins le titulaire de sa délégation “en France et en Belgique"[28].

Cette structure de la police politique englobant les deux pays occupés ne correspond à aucune juridiction militaire: débordant le ressort territorial de chaque commandant militaire, elle a été introduite, à l'automne 1940, à défaut de pouvoir installer, dès ce premier temps, des chefs supérieurs de la SS et de la police dans chacun d'eux. Dans l'attente, la fiction policière tourne l'obstacle de l'assujettissement politique du “délégué du chef de la police de sécurité et du service de sécurité” au pouvoir militaire, dans chacun des territoires. Tout délégué qu’il soit de Heydrich à Berlin, il est, à Paris - et il en est de même à Bruxelles -, “en même temps rapporteur du Commandant militaire et [donc] soumis à ses ordres[29]. Le haut commandement de l'armée de terre, dont relevait chaque Commandant militaire dans un territoire administré par l’armée, le répète dans la crise provoquée par l'affaire des synagogues parisiennes.

Si elle n'a pas entraîné au printemps 1941un conflit de compétences d'une telle gravité en Belgique occupée, la mauvaise humeur de l'administration militaire à l’encontre des instances politiques se manifeste, comme dans le cas de Paris quelques mois plus tard, après une affaire des synagogues à Anvers. Ici, l'initiative intempestive n’émane sans doute pas des agents de la Sécurité du Reich, mais plutôt des politiques de la section locale du parti national-socialiste allemand et des services politiques de Goebbels attachés à l'administration militaire[30]. L'affaire, filmée par la Section de Propagande allemande, a l’allure d’une ‘nuit de cristal” à la Belge. Comme en 1938, mais en plein midi, les hommes de main de l'aile la plus radicale des mouvements d'ordre nouveau sont lâchés sur le quartier juif à Anvers, le lundi de Pâques 1941: jaloux des exploits de leurs frères "germaniques" d'Amsterdam deux mois plus tôt, les émules belges des Sections d'assaut brisent 200 vitrines de magasins juifs avant de se rassembler devant deux synagogues qu'ils incendient. Marquant le coup, le chef de l'administration militaire saisit l'occasion pour faire savoir à qui de droit à Berlin que de telles "manifestations" sont "intolérables car elles sont en contradiction fondamentale avec la position et l'autorité du pouvoir d'occupation"[31].

Cette tension procède du Führerprinzip, du principe du chef qui organise la relation d’autorité entre les différentes instances du Reich opérant dans les territoires occupés. Générée par le mode de gouvernement hitlérien, elle ne saurait, dans le cas belge, argumenter à rebours de l’histoire une prétendue “opposition” du commandant militaire du territoire à une solution finale présentée comme “un projet SS irritant[32]. Le général Alexander von Falkenhausen “était antinazi”, a-t-on souligné, en lui prêtant un rôle qui n'a pas été le sien. Son collègue de France, le général Karl-Heinrich von Stülpnagel, venu du Front de l'Est remplacer son cousin Otto von Stülpnagel en 1942, a été autrement antinazi. Lui a bel et bien été arrêté en juillet 1944 pour son action très réelle dans la conjuration contre Hitler[33].

L'un et l'autre n'ont pas été pour autant moins répressifs dans le gouvernement de leur territoire et, à cet égard, la Belgique du baron von Falkenhausen n'a pas été, toutes proportions gardées, moins sanglante avec ses fusillades d'“otages terroristes” que la France des cousins von Stülpnagel[34]. Les militaires de Paris et de Bruxelles ont représenté le IIIe Reich tout autant que les civils de La Haye et les politiques de diverses instances s’ingérant dans leur propre ressort territorial. Chacun avait l'ambition de faire mieux que l'autre la même politique, y compris à l’encontre des Juifs[35].

A cet égard, tout au moins dans la répression et dans sa dimension antisémite, les militaires en France n’ont pas de leçon à recevoir des politiques du Commissariat du Reich aux Pays-Bas.

2.6 Les Juifs dans les représailles

C’est cependant l’administration civile pour les territoires néerlandais occupés qui, la première à l’Ouest, introduit, en février 1941, la cible juive dans la répression en raison même de la vive opposition à laquelle se heurte dans le pays l’antisémitisme virulent qu’elle favorise. Les descentes furieuses des miliciens du Mouvement National-Socialiste Néerlandais sur le quartier juif d'Amsterdam suscitent une réelle hostilité dans cette population où se mêle un prolétariat juif bien intégré dans la classe ouvrière amstellodamoise. Le 11 février, dans un nouvel assaut, des coups de feu blessent à mort l’un des hommes de main d’Anton Mussert. Dès son décès, le chef supérieur de la SS et de la police aux Pays-Bas décrète, le 25 février, des représailles contre cet “assassinat bestial d'un national-socialiste néerlandais[36]. Il annonce l'arrestation de 400 Juifs et leur transfert “dans un camp de concentration allemand”.

Les Juifs dont on apprend, ce 25 février, l'imminente déportation, ont été arrêtés, dès le lendemain de l’incident. Pendant deux jours, les 22 et 23 février, la police allemande traque les Juifs “âgés de 20 à 35 ans” dans le quartier juif d'Amsterdam. La chasse à l'homme porte à son comble l'exaspération de la classe ouvrière néerlandaise. Les représailles du 25 février répondent à la grève que les cheminots de la ville viennent d’entamer. Elle s'étend dans la journée et, le lendemain, elle se généralise, donnant lieu à des affrontements même meurtriers avec les forces de l'ordre. Il y a 8 tués parmi les manifestants et 17 “meneurs” seront fusillés, par après. Le mouvement, absolument exceptionnel dans l'Europe de la solution finale, a pris au dépourvu l'administration civile. Dépassée, il lui a fallu même faire appel à ... l'armée qui met la province Hollande du Nord en état de siège jusqu'au 8 mars.

La déportation dès février 1941 de 400 Juifs des Pays-Bas à Buchenwald - ils seront très vite transférés à Mauthausen où la plupart périront - n’anticipe pas, avec plus d'une année d'avance, l’“évacuation” de Juifs de l'Ouest[37]. Elle est décidée dans le cadre de représailles et ne procède pas des “plans généraux d’évacuation”. Hors programme de la solution finale, elle donne toute au plus la mesure des initiatives locales.

Les premières déportations de Juifs de France, tout autant motivées par la répression, sont bien plus massives qu’aux Pays-Bas et, à cet égard, s’inscrivent davantage dans le programme d’“évacuation” des Juifs des territoires de l’Ouest. Ordonnant le 14 décembre 1941 l 'exécution de “cent otages juifs, communistes et anarchistes qui ont des rapports certains avec les auteurs des attentats[38], le général Otto von Stülpnagel annonce, non sans précipitation - l’administration militaire n’a pas concerté la mesure avec les services compétents du Reich - qu'“un grand nombre d'éléments crimi­nels judéo-bolcheviks seront déportés aux travaux forcés à l'Est". Le contingent est disponible. Avant l'annonce des représailles, la police allemande a arrêté, à Paris le 12 décembre, 743 no­tables juifs, tous de nationalité française. Et, de surcroît, tant dans la France non-occupée du Sud que dans la zone allemande, les camps dont Drancy, ouvert en août 1941 par une rafle encore plus massive, regorgent de dizaines de milliers de Juifs, essentiellement des étrangers, dont plusieurs milliers de Juifs de Belgique. Mais Berlin, même après la conférence de Wannsee, le 20 janvier 1942, n’a pas encore autorisé l’“évacuation” de cette région d’Europe.

Prises au dépourvu, les autorités allemandes en France doivent donc attendre plus de trois mois pour qu'un premier convoi de 1.112 d'internés juifs à Compiègne et à Drancy puisse enfin quitter, le 27 mars, leur territoire pour Auschwitz[39]. A Berlin, l'Office Central de la Sécurité accorde aussi le feu vert pour le transport d'un nouveau contingent de 5.000 Juifs de France, au cours d’une conférence de travail, le 4 mars, des officiers SS des affaires juives des trois capitales occidentales. Mais, dans cette déportation hors programme, c’est à Paris qu’il incombe de régler sur place la question des trains. Le chef de l'unité des transports ferroviaires du Reich ins­tallée à Pa­ris - officier supé­rieur de l'ar­mée - se laisse sans peine convaincre: il est, explique-t-il, “un ad­versaire sans compro­mis des Juifs” et, suite à l'exposé de l'officier SS responsable, il approuve “à 100 % une solution finale de la ques­tion juive ayant pour but l'ex­­ter­mination totale de l'adversaire[40]. Les trains demandés sont donc accordés. Les convois de ce “quota” ‘français’ “de 1942 s'échelonnent ainsi, du 5 juin au 17 juillet 1942[41], le dernier quittant la France deux jours avant que les trains de la solution finale n’entament leur ronde interminable.

2.7 Les travailleurs obligatoires juifs du Mur Atlantique

De Belgique, du moins du ressort territorial du Commandement militaire en Belgique et dans le Nord - l’autorité du général von Flakenhausen s’étend, en effet, jusqu’aux départements du Nord, et notamment jusque à la zone côtière - aucune déportation de Juifs en tant que tels ne survient avant l’été 1942. Dans ce territoire, l’autorité d’occupation s’en tient à cette doctrine que “la question de l'évacuation des Juifs ne peut être réglée que d'une façon centrale et planifiée[42]. L'administration militaire à Bruxelles s'était montrée des plus critiques, au printemps 1941, à l'encontre des agissements “inutile[s] et stupide[s” de “différents services” allemands qui, “à l'intérieur des territoires occupés, [...] se débarrassent mutuellement des Juifs par delà les frontières". Excédée des “actions” sauvages “d'évacuation”, elle visait notamment l’expulsion dans son territoire des Juifs du Grand Duché du Luxembourg incorporé au Grand Reich allemand depuis mai 1940.

Le racisme en douceur des militaires de la capitale belge ne les portait pas non plus à des mesures spectaculaires attirant l’attention du pays occupé sur leur politique à l’encontre des Juifs. Tout autant, leur politique de répression, plus sélective que dans les territoires voisins, ne se prête pas à des représailles massives dont les Juifs du pays pourraient fournir opportunément leur contingent de victimes. En contrepartie, ils conviennent parfaitement pour entamer la délicate question du travail obligatoire dans ce territoire d’où l’Allemagne, alors impériale, a déporté un demi million de travailleurs pendant la Première Guerre mondiale. Instaurant en mars 1942 le travail forcé, le pouvoir d’occupation promet, pour désamorcer la crise politique avec les autorités belges, qu'il s'accomplirait seulement dans le ressort territorial et il leur concède même que les travailleurs obligatoires requis ne quitteront pas la Belgique[43]. Le groupe VII de l'administration militaire, chargé de la mise au travail, fait donc “un usage restreint de l'ordonnance sur le travail obligatoire[44]. Se conformant à la promesse, il se rabat sur les Juifs dits “asociaux”, la plupart de nationalité étrangère, pour les besoins en main d’oeuvre forcée des chantiers du littoral du Nord de la France où l'Organisation Todt construit le Mur de l'Atlantique.

En moins de deux mois, le “désenjuivement de l'économie”, préparé en 1941 et déclenché au printemps 1942, multiplie le nombre d’“asociaux” dans cette population juive qui désormais "n'[a] plus que des moyens limités d'existence"[45]. Interdits d'activité professionnelle, un tiers des Juifs du pays se retrouvèrent sans revenus. Quelque 7.500 affaires industrielles et commerciales que le statut des Juifs a permis d’identifier sont sommées de se liquider et, selon leur chiffre d’affaires, de livrer leur stock aux offices économiques belges. L’“aryanisation” n’est pourtant pas la bonne affaire escomptée. Ces Juifs décidément ne répondent pas, dans le cas belge, aux attentes du mythe antisémite. Ils sont, au contraire, de conditions modestes, très souvent pauvres, sinon misérables. Dépités, les services économiques allemands ont aperçu, dès 1941, que les “objectifs” du “désenjuivement” sont “relativement peu significa­tifs[46]. Ces affaires juives sont “en majeure partie [...] des exploitations d'importance moyenne, minime ou très minime”, pour tout dire, le plus souvent des entreprises familiales au sens où leur personnel se réduit aux membres de la famille et à ses alliés. Elles ne sont, de l'aveu navré de l'occupant[47], intéressantes “ni pour l'économie belge, ni pour l'économie de guerre allemande[48]. Surtout, elles ne laissent guère d'espace pour une pénétration du capital allemand dans l’économie belge.

L'avantage de cette spoliation est  politique: l'opération, conçue dans le cadre de la solution finale, brise net, tout au moins pour une partie des Juifs de la solution finale, leur assise déjà fragile dans la vie économique et sociale du pays. Elle annonce “le prochain à accomplir”. Mais dans l’attente de la décision de Berlin sur l’“évacuation” des Juifs, “l'administration militaire veillera à ce que les Juifs aptes au travail soient employés utilement à des activités de guerre importantes”, dit son rapport d’activité, en juin 1942.

Leur déportation vers les camps de travail du Mur de l’Atlantique s’étale sur tout l’été 1942, se confondant à partir du mois d’août avec une autre “mise au travail”, la déportation en masse des Juifs vers l’Est. Dans le cas du Nord de la France , la police SS n’intervient cependant ni dans l’organisation des départs, ni la recherche des réfractaires. Toute l’opération est entièrement dans les mains de l’appareil militaire qui, avec cet art consommé de l’opportunité qu’on lui connaît, utilise au maximum les relais belges dans cette délicate affaire du travail obligatoire. C’est une instance belge, l'Office du Travail, détaché du Ministère du Travail, qui recense les travailleurs obligatoires disponibles d’après les “listes et […] communications concernant les juifs […] obligés de liquider leurs affaires, ainsi que [d’après le] registre des juifs[49]. C’est la police communale belge, surtout à Anvers, qui leur remet la convocation à se présenter aux points de rassemblement, le plus souvent les sièges locaux de l’Office du Travail, où, enfin les Allemands interviennent, avec les agents de l’organisation Todt qui les prennent en charge. Ainsi constitués 7 convois dont 4 d’Anvers, déportent un total de 2.252 travailleurs obligatoires juifs, uniquement des hommes, du 13 juin au 12 septembre. Les trois quarts - 1.641, tous de nationalité non belge -, serviront avant la fin d'octobre, rapatriés sur Malines à la demande de la police de sécurité, à remplir les trains de la solution finale que les SS des affaires juives ne parviennent plus à peupler avec les Juifs du camp de rassemblement. En l’occurrence, l’administration militaire fournit, rassemblés par ses soins, 10% du contingent de Juifs acheminés à Auschwitz en 1942. Par le biais d’une répression économique, en rendant “disponibles” pour reprendre sa formule “les juifs mis au travail dans le Nord de la France par l'organisation Todt [50], elle contribue ainsi - et dans une proportion bien plus élevée que l’administration militaire en France[51]- à l’“évacuation” des Juifs de son ressort territorial.

A la différence de leurs collègues de Paris, les militaires de la capitale belge, attentifs aux répercussions de cette “évacuation” sur leur politique générale d’occupation, et plus particulièrement sur leur relation avec les autorités belges, contrôlent les agissements de la police politique dans cette “action Est” dont l’exécution lui incombe. Au plus fort des déportations, à la fin de l’été 1942, le général SS Reeder ne manquera pas de convoquer le major SS Ernst Ehlers, le délégué du chef de la police de sécurité du Reich en Belgique et au Nord de la France , pour un rappel à l'ordre du fait des “abus” de ses agents “contraires aux conventions antérieures"[52]. Ils risquaient, selon les propres termes du chef de l'administration militaire à son collègue SS de la police politique, d’“entraîner des conséquences fâcheuses sur le plan politique”.

Dès le début de juillet, alors que la déportation des travailleurs obligatoires juifs dans le Nord de la France débute, les bureaux de l’administration militaires prennent la mesure du risque politique. Le collège des secrétaires généraux des ministères belges qui n’a pas réagi au départ du premier convoi juif d’Anvers, le 13 juin, se manifeste dès que, à la fin du printemps, l'Office National du Travail convoque des Juifs de nationalité belge[53]. L’émoi des secrétaires généraux est sans proportion avec l’importance réelle de l’affaire. Au total, il n’y a que 115 citoyens belges parmi les 2.251 travailleurs obligatoires juifs déportés au Mur de l’Atlantique. Mais, justement, il indique la limite à ne pas franchir pour entamer sans crise l’évacuation des Juifs d’un pays qui garde en mémoire le souvenir pénible des déporta­tions massives de main d'oeuvre pendant la première occupation du pays en 1914-1918. Annonçant la démarche personnelle du chef de l'administration militaire auprès de Himmler, au Grand Quartier Général, le 9 juillet, le service des affaires étrangères à Bruxelles explique au Ministère du Reich que l’incorporation de citoyens belges dans les convois juifs “serait par conséquent interprétée comme [le] début [d'une] déportation générale” de la population du pays. Le télégramme du diplomate allemand assure que l’administration militaire croit "pouvoir remédier aux inconvénients si les Juifs belges peuvent rester".

On notera ici que l'homme qui alors ‘résiste’ à Himmler - si l'on veut recourir à ce discours anachronique - n'est pas le général baron von Falkenhausen, opposant velléitaire, mais bel et bien un général de brigade SS. Reeder l'est à titre honorifique, mais il n'est nullement l'instrument de la SS dans l'administration du territoire occupé confiée à l'armée. En la circonstance, il n'a guère de peine à convaincre Himmler de se montrer compréhensif à l'égard des difficultés que présentent les déportations juives. En ce début de juillet 1942, les officiers de la SS et de la police en France viennent de faire le même choix tactique d’une entame xénophobe “afin”, explique leur chargé des affaires juives à Paris, “de pouvoir mettre l'action en marche"[54]. Puisque les Français ne sont disposés à lui livrer que les “éléments vraiment indésirables” de leur point de vue na­tional, lui se “souci[e] peu de prendre tels Juifs plu­tôt que tels autres"[55]. "Nous cherchons plutôt à faire partir de Paris le plus grand nombre possible de Juifs", concède au délégué de la po­lice française fort embarrassé cet officier SS, pourtant l'un des plus fanatiques.

2.8 Le paradoxe xénophobe de l'évacuation

Dans ces deux territoires administrés par l’armée, la Sécurité du Reich accepte ainsi pour entamer l’“évacuation”, de tolérer un es­pace paradoxal pour les citoyens juifs dans les deux pays. Dans cette solution finale dont le principe biologique et racial exclut quelque différence que ce soit entre les Juifs, les services alle­mands accommodent, par pragmatisme, le dispositif antijuif aux dispositions des so­ciétés d'où l’idéologie commande pourtant de les évacuer tous. Du point de vue nazi, si cette en­tame xénophobe de l'“évacuation” immunise les citoyens juifs dans chacun des deux pays, elle ne leur confère aucun “statut privilégié"! Dans le secret des délibérations allemandes, personne ne doute pas “que la poursuite des opérations qui doivent libérer les pays d'Europe de la juiverie le[s] fera dispa­raître de toute façon"[56]. Mais le souci des répercussions poli­tiques, du moins dans les milieux officiels, amène les occupants, dans ces territoires de l’Ouest, à prendre en compte, comme y insiste le service des affaires étrangères du Reich en France au début de l'été 1942, le fait que "la montée de l'antisémitisme est due en grande partie à l'immigration de Juifs de nationalité étrangère" dans les années ’30. On table donc, pour re­prendre la formule du diplomate allemand, sur "le rôle psychologique" de leur "évacuation" et "les mesures" vont, selon sa recommandation, effectivement "commenc[er] par toucher de tels Juifs d'origine étrangère".

Cette entame xénophobe, inspirée par le diplomate en poste à Paris et soutenue, dans une autre version, par son collègue à Bruxelles, n’est pas retenue aux Pays-Bas. Dans leur radicalisme, les Autrichiens de l’administration civile ne sont pas accessibles à la suggestion du Ministère des Affaires étrangères du Reich qui, par raison diplomatique, préfère lui aussi commencer l’action par les Juifs apatrides. Ils sont près de 25.000 dans ce pays, alors que le quota de déportation imparti à l’officier SS des affaires juives à La Haye est de 40.000! C’est qu’aux Pays-Bas, à la différence de la Belgique et même de la France , les Juifs sont à 80 % des ressortissants néerlandais et, pour un grand nombre, de souche si ancienne que leur dénaturalisation un moment envisagée s’avère juridiquement impraticable[57].

En France et en Belgique, où la répartition des nationalités dans la population juive se prête bien mieux - et tout particulièrement dans le cas belge - à une entame xénophobe, cette opportunité aura un tel impact sur l’“évacuation” qu’elle imprimera à l’événement historique ses traits définitifs. L’incorporation ultérieure des citoyens juifs dans les convois de déportation ne rectifiera pas l’allure générale, même dans le cas de la France où la proportion des ressortissants français dans la population juive n’est pas comme en Belgique peu significative. En France, la détermination nazie d’éliminer également cette catégorie de Juifs achoppa en 1943 sur des réalités que les services allemands maîtrisent encore moins qu'un an plus tôt. Agressés à leur tour - dans un tout autre contexte et natio­nal et international -, les citoyens français d’origine juive n'ont plus dès lors disparu dans la même proportion que les Juifs étrangers. Leur présence dans les convois de la solution finale a l’effet opposé de réduire le rendement de l'action antijuive en augmentant le nombre des déportés, mais loin en deçà des performances de 1942. Dans cette année décisive, les SS des affaires étaient parvenus à évacuer 42.655 Juifs. Au cours des deux longues années qui suivirent, ils ne réussirent à réunir que 33.061 déportés. Le total ne corrige guère la physionomie que la "discrimination" initiale a imprimée à la population dépor­tée. Le résultat, marqué par ses débuts, reste paradoxal.

La répar­tition des déportés en citoyens et en étrangers ne reproduit en aucune "façon" leur distribution dans la population juive en France.

le paradoxe xenophobe
dans la solution finale en France

 
déportation des citoyens/déportation des étrangers

 

 

 

Juifs

population

déportés
 % nationalité

taux déportés/population

 

d’après les recensements de l’époque

 

 

 

citoyens

145.008
 56 %

24.000
 5 %


 17 %

 

étrangers

114.709
 44 %

49.853
 95 %


 43 %

 

Total

259.717
 100 %

73.853[58]
 100 %


 28 %

 

d’après les estimations actuelles

 

 

 

Total

300.000
 100 %

73.853
 100 %


 25 %

 

Les étrangers qui comptent pour moins de la moitié des Juifs du pays, constituent l'essentiel du contingent déporté, ses deux tiers! A cet égard, le cas français n'est plus aussi différent du cas belge que le bilan global le laisse penser. Les officiers SS en France, se rabattant sur les Juifs étrangers par opportunité politico-policière, n'ont nullement été moins efficaces que leurs collègues en Belgique. Ils ont réussi à s'emparer de 43 % des Juifs de nationalité non française. Ces Juifs étrangers ont été tout aussi vulnérables et dans la même proportion en France qu'en Belgique.

Dans ce dernier territoire, les ravages de la solution finale se chif­frent précisément à ... 45 %. L'immunisation des citoyens juifs pen­dant la première année des déportations n'y a pratiquement pas d'impact sur l'allure d’ensemble de la solution finale.

le paradoxe xenophobe
dans la solution finale en Belgique

 
déportation des citoyens/déportation des étrangers

 

 

 

Juifs

population

déportés

taux déportés/pop

 

citoyens

 3.680
 7 %

 1.203
 5 %


 33 %

 

étrangers

51.991
 93 %

23.921
 95 %


 46 %

 

Total

55.671
 100 %

25.124
 100 %


 45 %

 

Comme l'administration militaire et la police politique s'empressent, dès le 13 juillet 1942, de le faire remarquer à un autre service allemand impliqué dans "l'action imminente", mais décontenancé face à cette tolérance imprévue, l'exemption tem­poraire des citoyens belges n'empêche en rien que “la grande majo­rité des Juifs vivant ici serait atteinte[59]. Ils sont essentielle­ment des étrangers, le plus souvent des immigrés arrivés de l'Est eu­ropéen dans l'entre-deux guerres ou encore, dans les dernières années ’30, des réfugiés du Grand Reich. Les citoyens juifs y intervie­nnent à peine pour 6 ou 7 %. Étant donné ce nombre minime, leur incorporation dans les convois n'inversera point l'allure générale des déportations. En fait, la plupart seront déportés, en septembre 1943 en un seul convoi, le XXII B, (B comme Belgische Juden).

Mais leur immunisation pendant plus d’une année "pour des raisons politiques", insistera Reeder lorsque la concession qu’il avait obtenue personnellement d’Himmler est sur le point d’être levée[60], lui a permis "d'éviter une aggravation de la situation générale"[61] dans le territoire dont il est  responsable de son administration. Dans son jeu, la carte ‘belge’ du moindre mal  est un maître-atout.

2.9 Le moindre mal ‘belge’

Sa politique constante est de ménager les autorités belges dont la participation, la “collaboration loyale[62], est indispensable à l'administration du pays occupé. En l'absence du gouvernement belge réfugié à Londres, les secrétaires généraux des ministères, même infiltrés de l’un ou l’autre de ses partisans, ne se sont pas, en tant qu'institution, ralliés à l'Ordre nouveau. D'emblée, les militaires allemands ont adapté leur politique ‘juive’ aux dispositions de l'appareil d'état belge. Ils lui ont aménagé, dès l'automne 1940, un espace pour ses "scrupules constitutionnels" dans la question juive[63]. Les Allemands ont accepté que les Belges s'en tiennent, dans cette matière scabreuse, à l’“exécution passive" de leurs ordonnances antisémites[64]. Le sens de l'opportunité commande de prévenir toute crise politique dans cette matière juive contraire aux lois et à la constitution du peuple belge. "Dans les mesures prises", expliquent les militaires de Bruxelles aux politiques de La Haye bien moins disposés à de telles subtilités, “on agit dans la forme avec toute la prudence nécessaire pour amener les résultats en concordance avec les répercussions politiques[65].

Significativement, le projet inspiré par des services politiques allemands - le parti et la police SS - d'instaurer en 1941 un Commissariat Royal aux Questions Juives n'aboutit pas[66]. En France, le Commissariat Général - cet "office central juif" conçu par l'officier SS compétent[67] - peut être implanté dans l'appareil d'un "Etat français" où la révolution nationale avait introduit un antisémitisme légal de facture autochtone. En Belgique, il n’y a pas d’autre possibilité que d’installer un ersatz, une Centrale antijuive de Flandre et de Wallonie qui reste une émanation de la Défense du Peuple, ligue pour la sauvegarde de la race et du sol. La Centrale , service antijuif peu étoffé - quelques employés et une trentaine de commissaires - ne bénéficiera pas du concours institutionnel et opératif des administrations publiques et surtout des services de police, nationaux et locaux.

Dans la persécution raciale, les commissaires de la Centrale chargés de surveiller le respect des ordonnances de l'Occupant demeurent des militants de la ligue antijuive belge, un groupuscule d'avant-guerre qui ne compte pas mille adhérents en 1941. Ils n'ont finalement constitué cette police antijuive dont ils revendiquaient bruyamment la création qu'après leur incorporation dans la SS flamande. La police de sécurité allemande peut, grâce aux SS flamands recrutés dans l'aile la plus radicale des mouvements d'ordre nouveau, renforcer avec un personnel auxiliaire plus étoffé, à Anvers, mais aussi dans la capitale, ses sections ‘juives” aux effectifs insuffisants. Au contraire, avec l’appareil d’état belge, il a fallu au pouvoir d'occupation négocier au coup par coup sa coopération, en mesurant à chaque pas jusqu'où il lui importe de ne pas aller trop loin.

Ce pragmatisme explique le retard de Bruxelles sur Paris et La Haye dans la mise en route des premiers trains de la solution finale, pendant l’été 1942. A défaut de disposer des forces de l'ordre belges pour rassembler les Juifs à déporter, on recourt au procédé de la convocation. L'échec partiel de cette tentative de "mise au travail" dans l'ordre et le calme explique aussi le fait que les arrestations massives et les rafles systématiques débutent seulement à la mi-août dans ce territoire. La grande rafle du Vel' d'Hiver à Paris où l'essentiel des arrestations incombe à la police française a lieu un mois plus tôt. L'été belge de la déportation raciale a aussi son Vel' d'Hiver.

Les deux razzias nocturnes de la police anversoise dans la deuxième quinzaine d'août font, toute proportion gardée, autant de ravages que la grande rafle parisienne: dans une population juive sept fois moins nombreuse qu'à Paris, les policiers anversois arrêtent en deux nuits sept fois moins de Juifs que leurs collègues parisiens mobilisés pendant deux jours[68]. En Belgique toutefois, cette collaboration est absolument exceptionnelle. Quoique cette réquisition des forces belges ait permis de rassembler 12% des Juifs déportés de son ressort territorial, l’autorité militaire ne se prive pas de reprocher à la police SS ce grave manquement à ses engagements, en raison “des conséquences fâcheuses” qu’il risquait d’entraîner “sur le plan politique [69]. Il était crucial, pour l’administration militaire, de passer le cap délicat de la déportation des Juifs sans crise politique avec les autorités belges. Dans ce territoire, il ne fallait pas que l'“évacuation” provoque “trop de sensation dans” ce que l'occupant considère comme "l'opinion belge"[70], à savoir les milieux officiels. Pressentant, dès qu’il fut informé du programme des policiers SS opérant dans son territoire, que les autorités belges n’interviendraient qu’en faveur de leurs compatriotes juifs, il leur ménagea, avec un art consommé de la manoeuvre, l’espace de moindre mal qui leur convenait. Et, à toutes leurs interventions, il leur servira son atout ‘belge’, leur laissant croire qu’en raison même de leur discrétion, elles obtiennent la protection de leurs citoyens juifs. A la fin de l’été, Reeder a tout lieu d’être satisfait que “les représentants du ministère de la justice et des autres institutions belges ont toujours déclaré qu'ils ne voulaient s'occuper que des Juifs de nationalité belge[71]. Même l'Eglise - à la différence de l'épiscopat néerlandais et, qui plus est, français - s'abstient d'élever une “protestation contre le sort fait aux Juifs [...] parce que les Allemands ont déclaré ne vouloir s'occuper que des Juifs allemands, visant par ce terme les Juifs de la Grande Allemagne , inclus la Pologne , la Silésie , l'Ukraine, la Yougoslavie et l'Autriche"[72].

Désamorcée, la crise redoutée n’éclate même pas un an plus tard, quand, sous la pression de Berlin, y compris d'Himmler en personne, Reeder doit lever l’immunité des Juifs belges arrivée à échéance. Acculé, le chef de l’administration militaire laisse son supérieur, Von Falkenhausen livrer lui-même à la police SS le millier de ressortissants belges arrêtés dans la nuit du 3 au 4 septembre 1943, simultanément à Bruxelles et à Anvers et déportés, la plupart, par le convoi XXII B du 20 septembre. Pusillanime et velléitaire, le collège des secrétaires généraux des ministères belges attend encore jusqu’au début d’octobre pour enfin réagir. D’une excessive discrétion - elle ne fait pas événement - leur lettre au général von Falkenhausen ne manque pas de rappeler leur “lourde responsabilité” dans “l’administration du pays […] eu égard aux circonstances difficiles créées par l'occupation du territoire” et s’autorise de ce rôle pour “élever une protestation contre des mesures qui méconnaissent à la fois les principes les plus sacrés du droit et le respect dû à la liberté humaine”. Alors qu’à cette date plus de 22.000 Juifs étrangers ont déjà été déports, cette “protestation" des autorités nationales se limite à “attirer l'attention" du commandant militaire allemand “sur la pénible impression ressentie par les autorités et la population belge à l'occasion des mesures qui frappent certains de [leurs] concitoyens”. Aussi, les secrétaires généraux prient-ils l’autorité d’occupation de s’“entremettre pour qu'il soit mit fin a une situation qui lèse à la fois les règles les plus impératives du droit et les sentiments les plus élémentaires d'humanité[73].

L'administration militaire qui a pris l'exacte mesure de la politique de moindre mal des autorités belges ne s’en inquiète pas outre mesure. Saisissant toute opportunité, elle a déjà aménagé un autre espace de moindre mal, plus étriqué que la protection des citoyens belges sur le point d’être levée, mais qui, tel quel, suffit à apaiser la pusillanimité des autorités belges[74].

A son initiative, "à la demande de l'administration militaire"[75], fit savoir l'officier SS des affaires juives dès le printemps 1943, des centres d'hébergement seront installés après une vaine démarche du secrétaire général du ministère de la justice en faveur des enfants et des vieillards. Tandis que les convois de moins en fournis continuent néanmoins à en déporter, mais une moindre proportion[76], les bénéficiaires de la nouvelle protection allemande prennent place dans le ghetto légal et précaire que le pouvoir d'occupation organise.

L'administration militaire a ordonné, à la fin de 1941, la création d'une Association des Juifs en Belgique en vue de les rassembler pour préparer "l'émigration". L'occupant a voulu lui conférer un caractère belge en faisant publier ses statuts dans le Moniteur belge et en veillant à ce que ses directeurs soient des citoyens belges. Cette A.J.B. de droit belge en apparence sert à tourner l'obstacle constitutionnel dans l'exécution des ordonnances antijuives de la puissance occupante par les administrations belges. Soumise au contrôle permanent de l'officier SS des affaires juives, elle est surtout son instrument pour réunir les premiers 10.000 déportés de la "mise au travail" sans recourir à la coercition policière. Depuis, l'A.J.B dispense les services belges et la Croix-Rouge d'intervenir dans l'intendance du camp de rassemblement. Avec son personnel, les enfants des homes et les vieillards des asiles, l'institution se retrouve au centre d'un ghetto ouvert de quelque 4.000 Juifs ‘légaux’ en 1944.

Cette population disponible représente 8 % du fichier tenu à jour du service antijuif de la police de sécurité. Bien qu'il soit enfin libéré de la tutelle pesante d'une administration militaire depuis la fin de juillet, le détachement de la Sécurité du Reich s'avère cependant incapable, dans la débâcle de la fin d'août, d'opérer la dernière rafle de la solution finale dans ce ghetto mis à son disposition. En raison de l’avance rapide des alliés, le dernier convoi restera donc celui parti encore le 31 juillet, le même jour que celui de France emmenant 200 enfants raflés dans les homes parisiens de l’Union Générale des Israélites de France.

2.10 La “discrimination” française

Si d’un pays à l’autre, le modèle de solution finale présente ainsi des similitudes, l'anomalie dans ses résultats en France est d’autant plus paradoxale que les conditions politiques y sont les plus propices au traitement d’une question juive que le sens de l’opportunité commande de gérer avec prudence dans cette région d’Europe. A la différence de la Belgique - et des Pays-Bas - l’appareil d’État français se rallie quant à lui à l’Ordre nouveau. Ce n’est pas un gouvernement français en exil qui siège à Londres, mais un “comité français de libération nationale” auquel les Alliés ne reconnaissent le statut de gouvernement qu’en 1943. Jusqu’alors, le gouvernement est bel et bien en France, à Vichy. L’“État français”, avec à sa tête le Maréchal Pétain, dernier chef de gouvernement de la IIIe République , assure, dans la défaite militaire, la continuité de l’État et la permanence de son administration. La "Révolution nationale" qu’il entreprend dès juillet 1940 rompt avec la République stigmatisée, avec son Juif, son franc-maçon, son communiste et son étranger, comme l’“anti-France” responsable du désastre de 1940.

Dans cette rupture avec les principes républicains d’égalité et de liberté, le nouveau régime s’empresse, fin d’août 1940, d’abolir le décret Marchandeau de 1939 qui réprime l’incitation à la haine raciale. Le geste symbolique ouvre la voie à un antisémitisme d’État et de facture nationale. Dans cette posture, Vichy n’a pas besoin d’être sollicité par la puissance occupante. C’est d’initiative qu’il instaure, le 3 octobre 1940, un statut des Juifs s’appliquant sur tout le territoire, zone occupée ou non. L’occupant nazi et antisémite n’a pas exercé la moindre pression. Au contraire, ce sont bel et bien les initiatives françaises, surtout en vue d’éliminer les Juifs de la vie économique[77], qui l’obligent, pour en conserver la maîtrise, à aborder enfin la question juive, le 27 septembre 1940[78].

Moins deux ans plus tard, dans sa phase finale, l’antisémitisme légal et institutionnel de l’État français autorise une collaboration avec l’occupant nazi et antijuif si étroite que les officiers SS, préparant la déportation, peuvent en élaborer le dispositif policier directement avec les autorités politiques et policières françaises, au niveau de pouvoir le plus élevé et sans passer par le relais de l’administration militaire d’occupation. Pour des raisons d’état autant que d’idéologie, les Français entendent procéder eux-mêmes aux arrestations de Juifs. Au sens propre, le chargé des affaires juives, le capitaine SS Dannecker n’a plus dès lors qu’à leur passer commande des quantités à lui livrer en fonction des possibilités ferroviaires.

C’est pourtant son plan “pour la zone occupée” qui crée cette difficulté politico-policière qu’on va devoir résoudre par le biais xénophobe. Communiqué dès la fin juin 1942, au Délégué de la police française dans cette zone, il comporte la recommandation que “parmi les Juifs à appréhender, [...] 40 % au moins [soient] de nationalité française[79]. De ces “exigences” allemandes, le président du conseil du Maréchal Pétain dira deux mois après qu'“il n'en va pas de la livraison des Juifs comme de la marchandise dans un Prisunic où l'on peut prendre autant de produits que l'on veut toujours au même prix"[80]. Entre temps, la collaboration de sa police n’aura pas moins permis le départ, en six semaines, de 22 convois d'un millier de per­sonnes chacun.

Dans cette "question fort délicate", le gouvernement de Vichy a cependant voulu, selon ses propres termes, agir avec "la plus grande prudence"[81]. Lui a redouté les réactions de "l'opinion française" qui, à son estime, "accepterait difficilement" la "manière extrêmement sévère" des Allemands. Il préfère donc, pour sa part, "discriminer les Juifs français des Juifs étrangers". Le chef de l'Etat juge que "cette distinction est juste" et il a statué qu'elle "sera[it] com­prise de l'opinion"[82]. Il craignait d'avoir à l'affronter s'il laissait la police nationale arrêter les ressortissants français d'origine juive. Disponibles pour le rassemblement des déportés, ses forces de police livreraient aux Allemands tous les Juifs étrangers, pour autant qu’ils ne réclament également les citoyens juifs.

Ces restrictions françaises acculent les officiers SS à accepter dans l’immédiat le compromis xénophobe. Mais elles ont aussi une autre répercussion bien plus lourde conséquences pour toute la déportation occidentale. Elles permettent de lever l'obstacle de la mise au travail qui hypothèque encore la solution finale à l'Ouest au mois de juillet 1942.

2.11 L'hypothèque du travail

Le président du conseil français, refusant d'autoriser ses polices à livrer les citoyens juifs du pays, suggère aux officiers SS une compen­sation pour qu’à défaut des Juifs français, ils parviennent néanmoins à réunir le contingent à déporter prévu. Tout simplement, il propose "que, lors de la déportation des familles juives de zone occupée, y soient inclus également les enfants juifs de moins de 16 ans". Berlin n'a pas osé réclamer des Juifs de cet âge dans cette première phase des déportations occidentales. Le 11 juin, à l'Office Central de la Sécurité du Reich, il n'a encore été ques­tion que d'une mise au travail à Auschwitz de Juifs âgés de 16 à 40 ans. Tout au plus, les SS de Paris, Bruxelles et La Haye sont-ils autorisés à inclure 10 % d'inaptes au travail dans les convois. Dans cette première phase occidentale, la mise au travail l'emporte encore sur l'extermination génocidaire. De fait, la plupart des 14.000 déportés juifs partis en juillet - de France et des Pays-Bas - sont effec­tivement mis au travail à leur arrivée au camp de concentration. 9 convois de 1000 déportés ont quitté la France , du 19 juillet au 3 août. A l'arrivée, 7.904 déportés sont acceptés dans le complexe d'Auschwitz et immatriculés dans ses effectifs. Les autres - jugés in­aptes au travail concentrationnaire - sont conduits du train aux chambres à gaz du centre d'extermination dissimulé dans le bois de bouleaux à la lisière du camp annexe de Birkenau: ils sont 1.096 à être ainsi exterminés. Ce taux d’extermination immédiate de 12,2 %, plus élevé que la norme de 10 % autorisée le 11 juin, demeure néanmoins de cet ordre. Dans le cas du contingent déporté des Pays-Bas en juillet, sa composition témoigne du radicalisme antijuif des auto­rités nazies de ce territoire. Leur attaque, indifférenciée, visant d'emblée toute la population juive, même les premiers convois ne se conforment pas, dans leur formation, à la norme fixée à Berlin le 11 juin. Des 5.000 personnes déportées du 17 juillet au 1er août, plus de la moitié - 2.603 - ne correspondent pas aux critères de la sélection pour le travail concentrationnaire et, refusés dans le camp, passent directement aux chambres à gaz. En guise de mise au travail, les Autrichiens du Commissariat du Reich aux Pays-Bas n'ont acheminé à Auschwitz que 2.039 "prestatai­res" inscrits, dès leur arrivée, à la matricule du camp de concentration[83].

La mise au travail des déportés de l’Ouest
 à Auschwitz en Juillet 42

Déportés à Auschwitz

total

gazés
%

Immatriculés

France, du 19-7 au 3-8

 9000

1096
12 %

 7904

Pays-Bas, du 17-7au 1-8

 5002

2961
59 %

 2039

Total

14000

4057
29 %

 9943

Cette tendance radicale où l'"évacuation" génocidaire le dispute déjà à la mise au travail s'accentue au début d'août 1942. Le mouve­ment emporte alors toute la déportation occidentale. Des trois pays partent désormais des convois où les aptes au travail  sont les moins nombreux. Suite à la suggestion française d'étendre la déporta­tion aux enfants, l'officier SS chargé des affaires juives à Paris a, au tout début de juillet, demandé à Berlin l'autorisation - accor­dée, dès le 21 juillet[84] - de les incorporer "à partir du quin­zième convoi de Juifs expédiés de France". Il quitte Drancy, le 14 août, avec 1.015 déportés dont des enfants "pour la première fois", signale le télex réglementaire adressé à la Sécurité du Reich[85]. Ils sont plus de 100 de moins de 16 ans. Maintenant, la norme du 11 juin était inversée: le convoi ne comporte que 115 hommes âgés de 16 à 40 ans, les seuls à être acceptés à Auschwitz. Les autres dépor­tés - et ils sont 875, y compris les enfants - sont  tous assassinés, dès leur arrivée.

L'autorisation d'abandonner en août cette norme de 10 % d'inaptes dans la formation des convois n'a pas seulement été accordée à Paris. La Haye , toujours en avance d'une mesure, et Bruxelles, toujours en re­tard, l'appliquent à leur tour. Comme l'expose l'administration mili­taire en Belgique dans son bilan de l'été 1942, "ce n'est qu'en vertu d'instructions ultérieures de l'Office central de la Sécurité du Reich [que] cette action prit le caractère d'une évacuation générale des Juifs de sorte que, ces derniers temps", écrit-elle le 15 sep­tembre 1942, "des Juifs non totalement aptes au travail furent trans­portés également"[86]. En réalité, dans cette déportation si peu ‘belge’, les convois sont formés à 60% d'"inaptes au travail" selon la définition du 11 juin[87]. Dès le premier convoi, le 4 août, 140 enfants de moins de 16 ans y ont pris place comme prétendus "prestataires de travail" et à son arrivée à Auschwitz, ce convoi I subit déjà un taux d’extermination immédiate de 25%[88]. Le taux passe à 48% au convoi suivant qui arrivé le 13 août. Mais dès le convoi III, arrivé le 17 août, le taux d’extermination se situe dans la moyenne du génocide à Auschwitz-Birkenau, à 64%. Le jour précédent, le convoi XV de France et ses enfants est exterminé, dès son arrivée à  86,2 %. Des 991 déportés qu'il leur acheminait, les tueurs SS n'en laissent en vie que 115, en fait les seuls hommes âgés de 16 à 40 ans qu'il comporte.

Cette présence massive dans les convois de l'Ouest à partir d'août 1942 de personnes impropres au travail concentrationnaire signifie en réalité que la "décision de faire disparaître ce peuple de la terre" s'applique dorénavant aussi aux Juifs de cette région d'Europe[89]. Dans ses confidences sur l'extermination des Juifs, Himm­ler évoque précisément cette "grave décision" génocidaire à propos de l'ordre de ne pas "laisser grandir les enfants" juifs. Les déportés de moins de 16 ans - comme tous ceux qui ne peuvent faire illusion sur leur capacité à affronter un travail de forçat - ne sont  pas achemi­nés à l'Est pour quelque besoin de l'économie de guerre. Ces Juifs, comme l'écrit en juillet l'officier SS des affaires juives à Paris, "s'acheminent vers leur extermination totale"[90]. Aussitôt parvenus à destination, systématiquement, ils sont assassinés. Dans le cas de la déportation occidentale, les archives d'Auschwitz donnent juste­ment la mesure exacte de cet événement génocidaire. Des 150.000 Juifs des trois pays, qui y  sont conduits, les deux tiers - 64 % très exactement - passent sans transition des trains de la solution fina­le aux chambres à gaz du génocide[91].

L'arrivée des juifs deportes de l'ouest à Auschwitz

déportés

total

gazés
%

immatriculés

France

69.030

41.810
61 %

27.220

Pays-Bas

56.575

38.305
68 %

18.270

Belgique[92]

24.906

15.621
63 %

 9.285

Ouest

150.511

95.736
64 %

54.775

Le pas franchi au début d'août 1942 avec la levée de l'hypothèque de la mise au travail dans la déportation occidentale situe aussi le pa­radoxe "français" dans la solution finale à l'Ouest. C'est grâce à la permissivité des autorités françaises qu'elle a basculé, dès le pre­mier mois de la déportation, dans le génocide des Juifs d'Europe. Leur proposition d'incorporer dans les convois les enfants des Juifs étran­gers que la police française s'apprêtait à appréhender avec leurs pa­rents pendant la grande rafle du 'Vel d'hiver a écarté toute retenue du côté SS dans l'"évacuation" de la population juive des territoires occidentaux vers les centres d'extermination.

2.12 Un paradoxe paradoxal

L'’“État français" du Maréchal Pétain, tout réticent qu'il eût été à livrer ses ressortissants juifs, savait anticiper les attentes allemandes dans cette "question juive". Dès l'automne 1940, il l'avait po­sée de son propre chef, précipitant la promulgation des pre­mières ordonnances antijuives de l'Occupant à l'Ouest. Devant l'épreuve des déportations massives de l'été 1942, l 'Etat de " la Révolution nationale" tenta d'éviter toute crise avec la société française. Tablant sur sa xénophobie, il se trompa pourtant. Cette "opinion française" dont il avait espéré qu'elle comprendrait n'accepta, y compris dans les milieux qui l'appuyaient, ni les arrestations massives, ni les déportations de femmes et d'enfants juifs, tout étrangers qu'ils fussent. A la fin de l'été 1942, le gouvernement français se heurtait, constata-t-il "à une résistance sans pareille de la part de l'Eglise"[93]. Et, dans un tête à tête pitoyable avec le chef supérieur de la SS et de la Police en France, le président du conseil français confondu et penaud "demande qu'on ne lui signifie pas de nouvelles exigences sur la question juive. Il faudrait en particulier", note l'adjoint du chef supérieur SS assistant à l'entretien, "ne pas lui imposer a priori des nombres de Juifs à déporter". Le chef du gouver­nement "nous prie", ajoute le document allemand, de "croire à son en­tière honnêteté quand il nous promet de régler la question juive".

Cette loyauté de Vichy scelle le paradoxe "français" dans la solution finale occidentale. C'est la France qui, des trois pays, bénéficiait des conditions politiques les plus propices à sa réalisation optimale. Le résultat y fut des plus médiocres. Dans des conditions bien moins favorables au plan nazi, les autorités allemandes en Belgique et aux Pays-Bas atteignirent un score bien supérieur. Le paradoxe français donne ainsi à penser que les comportements racistes, antisémites et xénophobes furent, à l'Ouest de l'Europe, bien plus redoutables pour leurs victimes quand ils n'étaient pas le fait des plus militants. En exploitant toutes les ressources des sociétés où ils opéraient, les services allemands réussirent avec plus de succès à les débarrasser de leurs Juifs, là où l'appareil d'Etat n'adhérait pas à leur idéologie. Une conclusion somme toute paradoxale pour un paradoxe "français"!  


* Ce texte réunit en une seule version deux études, “Le paradoxe français dans la solution finale à l’Ouest” (publiée dans Présence du passé, lenteur de l’histoire, Vichy, l’Occupation, les Juifs, Annales, Économies, Sociétés, Civilisations, n°3, mai-juin 1993, pp. 567-582) et “ La Judenpolitik : le sens de l’opportunité” (publiée dans Les Juifs de Belgique, de l'immigration au génocide 1925/1945, CREHSGM, Bruxelles, 1994).

[1]. Procès Canaris . Pièce 95. Document 23 du Cahier Rouge, Directives pour le travail de l'administration militaire , points 2 et 6.
[2]. Voir l'avant-propos de M. STEINBERG, L'Étoile et le Fusil, La Traque des Juifs, 1942-1944, Ed. Vie Ouvrière, Bruxelles, 1987, t. III, vol. 1.
[3]. GRMA T 501/107 Rapport final de l'administration militaire . Département économique. Groupe XII, 16ème partie. Les biens fiduciaires, (p. 25 de la traduction du Ministère de la Santé Publique )
[4]. Telle est, en effet, la conclusion de M.R. MARRUS et R. O. PAXTON, "Nazis et Juifs en Europe occidentale (1940-1944)", in L'Allemagne
 nazie et le génocide juif, E.H.E.S.S., Gallimard, Le Seuil, 1983, p. 310.
[5] . Les statistiques, reprises dans le procès-verbal de conférence, donnent 1.068.800 pour la France (865.000, soit en zone occupée: 165.000, en zone non occupée: 700.000), pour la Belgique (43.000 [en réalité: 55.000], et pour les Pays-Bas(160.800). Voir le document traduit intégralement, dans M. STEINBERG, "Le paradoxe de Wannsee", dans Cahier de la Mémoire n°3 Wannsee et la shoah, polycopie éditée par Comité Zakhor - Union des déportés juifs, Bruxelles, 1992.
[6] . En 1940, la Sécurité du Reich était plus réaliste dans son estimation. Le Plan Madagascar signale, après mai 1940, la présence 510.000 Juifs à l’Ouest ( en Belgique: 80.000, en Hollande:160.000 et en France: 270.000). Voir le document dans P. JOFFROY & K. KONIGSEDER, Eichmann par Eichmann, texte établi par Pierre Joffroy et Karin Königseder, Paris, 1970,  pp. 473-478
[7]. Lettre de Heydrich (Office central de la Sécurité du Reich) à Wagner (Haut commandement de l'armée), le 6 novembre 1941, in H. MONNERAY, La persécution des Juifs en France  et dans les autres pays de l'Ouest, Paris , 1947, p. 353.
[8]. Rapport de Théodor Dannecker (chargé des affaires juives à Paris) sur la question juive en France  et son traite­ment, du 1er juillet 1941, ibidem, p. 84-116.
[9]. CDJC LXXV-68 Note de l'administration militaire en France du 26 août 1940 cité d’après J. BILLIG, Le Commissariat Général aux Questions Juives 1941-1944, CDJC, Paris, 1957, t.1, p.25-26.
[10]. Rapport d'activité n° 20 de l'administration militaire (Belgique) , le 15 juin 1942", in S. KLARSFELD et M. STEINBERG, Doku­ment, Die Endlösung der Judenfrage in Belgien, The Beate Klarsfeld Foundation, New-York-Paris ,(1980), pp.26-27.
[11]. Sur la répartition du quota de chaque territoire, voir la mise au point in M. STEINBERG, Les yeux du témoin et le regard du borgne, p. 135 (l'ouvrage s'intitule en traduction néerlandaise, De Ogen van het Monster, Volkenmoord dag in dag uit, Éditions Handewijck, Antwerpen-Baarn, 1992). Voir une autre approche in S. KLARSFELD, Vichy -Auschwitz , le rôle de Vichy dans la solution finale de la question juive en France , Fayard, Paris , 1983, vol. 1, p.65 et p. 100;
[12]. Le convoi , parti le 17 juillet, ne relevait pas de la décision du 11 juin 1942.
[13]. Les chiffres des déportations prennent en compte l’ensemble des déportations, qu’elles soient dirigées vers les centres d’extermination de la solution finale ou, bien moins nombreuses, vers les camps de concentration. Les pourcentages sont toujours calculés en fonction de la population juive. 
[14].Voir J. PRESS ER, Ondergang, de vervolging en verdelging van het nederlandse jodendom, 's Gravenhage, 1965, t II, p. 509. Dans le détail des déportations , 90.089 dont il n'y eut que 831 survivants, avaient pris le chemin d'Auschwitz  et de Sobibor , centres d'extermination. Les autres 27.000 avaient été déportés vers les camps de Mauthausen, Buchenwald, Bergen-Belsen .. et 4.600 d'entre eux survécurent (Voir les chiffres de L. DEJONG, Het Koninkrijk der Nederlanden in de Tweede Wereldoorlog, Gevangenen en gedeporteerden, 1978, tome 8, vol.2, p. 708).
[15]. Des 75.721 figurant sur les listes de déportation, 73.853 déportés dont 2.190 survécurent sont nommément identifiés. Voir S. KLARSFELD, Mémorial de la déportation des Juifs de France , B. et S. Klarsfeld, Pa­ri s, 1978.
[16]. Selon de L. Lazare ( La Résistance juive en France , Paris , 1987, pp. 22-23 et surtout p.336, note 26), la population juive en France se serait élevée à 350.000 personnes. Mais l'estimation englobe à tort 40.000 réfugiés de l'exode, de Belgique , des Pays-Bas  et du Luxembourg . L'erreur procède d'une estimation abusive du nombre de Juifs en Belgique avant le 10 mai 1940. Tout au plus 10.000 Juifs de Belgique se retrouvent en France, après l'exode et la déportation des "suspects" du 10 mai 1940, y compris les fugitifs qui les rejoindront. La présence de 5.034 Juifs de Belgique parmi les 73.853 déportés de France n'autorise pas une évaluation plus élevée (voir à ce sujet le chapitre I de M. STEINBERG, L'Étoile et le Fusil, La traque des Juifs, t. III, vol. 1.).
[17].  La population juive recensée en France  pendant l'occupation s'élève à 274.983 (Voir J. BILLIG, Le Commissariat Général aux Questions Juives 1941-1944, Paris , 1957, t II, p. 209). Dans ce cas, la déportation en aurait affecté 26,8 %. L'examen critique des chiffres autorise à chiffrer le nombre des Juifs à 300.000 (Voir S. KLARSFELD, Vichy -Auschwitz , vol. 1, p. 25). Dans ce cas, 24,62 % auraient été déportés.
[18]. Il n’en reste pas moins que le cas ‘néerlandais’ pose aussi la question d’un paradoxe. Dans sa mise en perspective ouest-européenne, J.C.H. BLOM, "De vervolging van de joden in Nederland in internationaal vergelijkend perspectief", in De Gids, n° 6/7, 1987, pp.494 à 507) expliquerait plutôt la singularité des Pays-Bas par le paradoxe de l'assimilation: les Juifs néerlandais se comportant en citoyens du pays et comme ces derniers n'auraient pas eu la même perception de la persécution antisémitique que les Juifs étrangers, plus nombreux, en France  et en Belgique .
[19]. H. UMBREIT, "Les pouvoirs en France  et en Belgique ", in L'Occupation en France et en Belgique 1940-1944, Actes du colloque de Lille 26-28 avril 1985, Revue du Nord, n°1 Hors-série, 1987, pp. 9-15; voir aussi sur la politique juive, p.31.
[20]. Voir Rapport, concerne: signe distinctif des Juifs, signé: Asche  et Dannecker, Paris , le 15 mars 1942 in S. KLARSFELD & M. STEINBERG, Dokumente, Die Endlösung der Judenfrage in Belgien, The Beate Klarsfeld Foundation, New-York-Paris,(1980), pp. 16-17.
[21]. Chef de l'administration militaire, vue d'ensemble pour la période du 1er décembre 1941-15 mars 1942, le 16 mars 1942, p. 31.
[22]. Voir R. HIL
ERG, La destruction des Juifs d'Europe, , Fayard, Paris
, 1988, p. 507.
[23]. Lettre de H. Rauter, chef supérieur de la SS  et de la police, à A. Seyss-Inquart, commissaire du Reich le 18 avril 1941, reproduite in L. DEJONG, Het Koninkrijk der Nederlanden in de Tweede We­reldoorlog, s'Gravenhage, 1978, tome 5, vol.2, p. 1.016.
[24]. CDJC V Mémoire de Dannecker sur la création d'un Office central juif, 21 janvier 1941. in J. BILLIG, Le Commissariat Général aux Questions Juives, t I, pp. 46-47.
[25]. Voir J. BILLIG, La solution finale de la question juive, Essai sur ses principes dans le IIIème Reich et en France  sous l'Occupation, Paris , 1977.
[26]. GRMA T 501/104 Rapport d'activité n° 16 de l'administration militaire , avril 1941, pp. A 21-23.
[27]. Le commandant militaire en France , Paris , le 6 octobre 1941, au haut commandement de l'armée, État-major général de l'armée, Quartier général, objet: attentats contre sept synagogues parisiennes dans la nuit du 2 ou 3 octobre 1941 in H. MONNERAY, ouvr. cit., p. 353.
[28]. Il s'agit du général de brigade SS  Max Thomas qui ne fut pas remplacé, alors que la fiction d'un "délégué [..] en France  et en Belgique " fut maintenue.
[29]. Haut commandement de l'Armée à M. le Chef de la Police de Sécurité  et du Service de Sécurité, objet: attentats par explosifs contre les synagogues parisiennes, Quartier Général, le 2 décembre 1941, in H. MONNERAY, ouvr. cit., p. 359-360.
[30]. Voir M. STEINBERG, L'Étoile et le Fusil, La question juive (1940-1942), Vie Ouvrière, Bruxelles, 1983, t. I, pp. 161-163.
[31]. GRMA T 501/104 Rapport d'activité n° 16 de l'administration militaire , avril 1941, pp. A 21-23.
[32]. MARRUS et PAXTON, art. cit., p. 301. Voir sur la politique "juive" de von Falkenhausen, M. STEINBERG, L'Étoile et le Fusil, La Traque des Juifs, t III, vol.2, p. 261-262.
[33]. L'arrestation de von Falkenhausen après l'attentat du 20 juillet 1944 ne sanctionne aucune participation à la conjuration.
[34]. A. DE JONGHE, "La lutte Himmler-Reeder pour la nomination d'un HSS PF à Bruxelles, Cinquième partie: Salzbourg, avant et après, Évolution policière de septembre 1943 à la fin de l'occupation", in Cahiers d'Histoire de la Seconde Guerre Mondiale, Bruxelles, 8, octobre 1984, pp.57-60.
 [35]. Même dans ses Mémoires d'Outre-Guerre. Comment j'ai gouverné la Belgique  de 1940-1944, textes présentés par Jo Gérard, (Bruxelles, 1974, p. 312), A. von Falkenhausen parle toujours d'"excès [..] commis au nom du racisme " à propos de la persécution antisémitique dont lui refuse la responsabilité, après coup.
[36]. Doc NG2285 Proclamation du commissaire général à la sécurité publique, chef supérieur de la SS et de la police, le général de Brigade SS Rauter, dans J. SABILLE, “La population des Pays-bas devant la terreur anti-juive de l'occupant allemand (les grèves de protestation de février 1941)”, in Mémoire du génocide, CDJC-FFDJ, Paris, p. 115.
[37]. De Belgique, quelques Juifs furent déportés le 20 septembre 1941 à Neuengamme avec le convoi des communistes arrêtés pendant l'opération "Solstice d'été" du 22 juin 1941. 
[38]. "Avis, signé: le commandant militaire en France , Général d'infanterie von Stülpnagel, Paris , le 14 décembre 1941", cité d'après S. KLARSFELD, Le Livre des Otages, Éditions sociales, Paris, 1979, p.35
[39]. Du point de vue de la Sécurité  du Reich , cette déportation ne ressortait pas encore de la décision génocidaire. A l'arrivée à Auschwitz , les 1.112 déportés de ce convoi  ne furent pas assassinés: tous furent immatriculés au camp de concentration. Voir "convoi n°1 en date du 27 mars 1942" in S. KLARSFELD, Mémorial de la déportation des Juifs de France , Pa­ri s, 1978.
[40]. Voir le document IV J. Paris , le 13 mai 1942, concerne: affectation du matériel ferroviaire pour les transports de Juifs, signé: Dannecker, capi­taine SS " et son analyse critique in M. STEINBERG, Les yeux du témoin,  ouvr. cit., p. 204; et son analyse critique, ibidem, Chapitre VI.
[41]. Les déportés de ces convois  furent également tous immatriculés à leur arrivée à Auschwitz .
[42]. GRMA T 501/104 Rapport d'activité n°16 de l'administration militaire , avril 1941, p. 22
[43]. Procès von Falkenhausen, P 2004. Compte rendu de l'entretien entre Schlumprecht et Verwilghem, le 17 mars 1942.
[44]. CDJC.CD XCYI6, Rapport d'activité n°22 de l'administration militaire pour la période du 1er septembre décembre 1942 ; Bruxelles, 31 décembre 1942, p. A 38-39.
[45]. Rapport d'activité n° 20 de l'administration militaire (Belgique) , le 15 juin 1942, in S. KLARSFELD et M. STEINBERG, Doku­ment, Die Endlösung der Judenfrage in Belgien, The Beate Klarsfeld Foundation, New-York-Paris ,(1980), pp.26-27.
[46]. Doc. NG 3693 Compte rendu de la séance interministérielle, tenue le 23 septembre 1941 à 11 heures au ministère de l'économie du Reich sur les questions de participation du capital, p.3.
[47]. GRMA T 501/104 Rapport annuel de l'administration militaire  pour la première année d'occupation, daté du 15 juillet 1941, p. A 62.
[48]. GRMA T 501/507 Rapport final de l'administration militaire  en Belgique , Département économique, Groupe XII, 16ème partie, les Biens juifs.
[49]. MSP. R 497/Tr 226496. Administration militaire. Groupe VII aux, Ober et Feldkommandanturen, concerne: mise au travail, non daté, singé : ,  Schlumprecht, annexé à l'Office National du Travail, 19 juin 1942 concerne :  travail obligatoire, indications aux chefs de l'Office du travail.
[50]. Procès von Falkenhausen . P. 2394. Chef de l'administration militaire,  groupe police/polit. aux Ober- et Feldkommandanturen. (Bruxelles), 25 septembre 1942, concerne,: évacuation des juifs , signé: Reeder.
[51]. Des 6 convois, partis de France avant le départ, en exécution de la décision d’“évacuation” du 11 juin 1942, seul le premier, celui du 27 mars 1942, avec 1.112 déportés, procède des représailles annoncées le 14 décembre 1941.
[52]. Procès von Falkenhausen P 2395 Le chef de l'administration militaire  au délégué du chef de la police de sécurité et du service de sécurité, objet: évacuation des Juifs, Bruxelles, le 30 septembre 1942, signé: Reeder.
[53]. Ministère de la Santé Publique-Bruxelles. Tr 252.644 R.695. Papiers O. Plisnier, PV des séances du comité des secrétaires généraux, les 19 juin et 3 juillet 1942.
[54]. Voir le rapport de Dannecker à Eichmann du 6 juillet 1942, in S. KLARSFELD, Vichy -Auschwitz , vol. 1, p. 236; voir aussi pp. 108-110.
[55]. Rapport de Dannecker, du 29.6.1942 sur la poursuite des  transports  partant de France , ibidem, p. 222.
[56]. Télégramme de Abetz, Paris  le 2 juillet 1942, in S. KLARSFELD Deutsche Dokument 1941-1944, Die Endlösung der Judenfrage in Frank reich, Pa­ri s, 1977, p. 74.
[57]. Voir R. HILBERG, La destruction des Juifs d'Europe, Fayard, Paris , 1988, p. 500.
[58] . La répartition des nationalités est déterminée selon le nombre de déportés nommément identifiés.
[59]. Rapport de Mader (Ostministerium-Groupe Belgique ) sur l'action Meuble, le 22 juillet 1942, in S. KLARSFELD & M. STEINBERG, Doku­ment, Die Endlösung der Judenfrage in Belgien, ouvr. cit. ,pp. 33-35.
[60]. Majestic Rapport d'activité n° 24 de l'administration militaire  pour les mois avril-juin 1943, le 1e août 1943, signé: Reeder, p. A 49.
[61]. Rapport d'activité n° 25 de l'administration militaire
 pour les mois de juillet-septembre 1943, le 1er novembre 1943, signé: Reeder, p. A 50.

[62]
. CDJC L XXVII a 29 et 30 Administration militaire, chef, concerne: exécution des ordonnances juives, 2 décembre 1940. Voir M. STEINBERG, L'Étoile et le Fusil, La question juive, t. I, p.105 et sq.
[63]
. Majestic Film XIV. Administration militaire groupe VII prévoyance sociale, au commissaire du Reich pour les territoires occupés des Pays-Bas , Décision, objet: manière de traiter les Juifs dans les services publics, 21 décembre 1940.
[64]. Comité permanent de Législation. Note de M. Servais sur l'application des ordonnances allemandes sur les Juifs par les secrétaires généraux, le 16 novembre 1940.
[65]. Ministère de la Santé Publique-Bruxelles Majestic. Film XIV Administration militaire. Groupe VII Prévoyance sociale, au commissaire du Reich pour les territoires occupés des Pays-Bas , décision, objet: manière de traiter les Juifs dans les services publics, Bruxelles, le 21 décembre 1941.
[66]. Voir M. STEINBERG, L'Étoile et le Fusil, La question juive, t. I, chap. 5. et La Traque des Juifs, t. III, vol. 1, chapitre VIII.
[67]. CDJC V Mémoire de Dannecker sur la création d'un Office central juif, 21 janvier 1941. in J. BILLIG, Le Commissariat Général aux Questions Juives, t. I, pp. 46-47.
[68]. La rafle dite du Vel' d'hiver s'empara de 13.000 Juifs étrangers  à Paris , les 15 et 16 juillet 1942. Les deux rafles nocturnes des 15/16 et 28/29 août à Anvers  réunissent 2.000 déportés au camp de rassemblement . Voir M. STEINBERG, L'Étoile et le Fusil, 1942, les cent jours de la déportation des Juifs de Belgique , Vie Ouvrière, Bruxelles, 1984, t. II, chapitre IV, p. 209-213.
[69]. Procès von Falkenhausen P 2395 Chef de l'administration militaire  au délégué du chef de la police de sécurité et du service de sécurité, Bruxelles, 30 septembre 1942, objet: évacuation des Juifs, signé: Reeder
[70]. Rapport d'activité n° 21 de l'administration militaire  pour la période du 1er juin-1er septembre 1942, Bruxelles, le 15.9.42, signé: Reeder, p. A 39
[71]. Rapport d'activité n° 21 de l'administration militaire , in S. KLARSFELD et M. STEINBERG, Doku­ment, Die Endlösung der Judenfrage in Belgien, p. 44-45.
[72]. Voir la lettre de M.A. Van den Berg à l'évêque de Liège, Kerkhofs, le 21 septembre 1942, in L. PAPELEUX, "Le réseau Van den Berg qui sauva des centaines de Juifs", in La Vie Wallonne , t 55, 1981,p.140. Voir aussi sur l'attitude de l'Eglise, M. STEINBERG, L'Étoile et le fusil, La Traque des Juifs, T III, vol. 1, chapitre VI et vol. 2, chapitre VI, p. 201.
[73]. Lettre des secrétaires généraux au commandant militaire, Bruxelles, le 9 octobre 1943, dans HOUTMAN, M., Après quatre ans d'occupation, Bruxelles, 1945, pp.287-288.
[74]. Voir M. STEINBERG, L'Étoile et le fusil, La Traque des Juifs, T III, vol. 2, p. 221. Également pp.226-229 sur la crise et la protestation des secrétaires généraux contre l'arrestation en vue de leur déportation des citoyens belges d'origine juive
[75]. Ministère de la Santé Publique-Bruxelles. Association des Juifs en Belgique . PV du Comité directeur, séance du 30 avril 1943. Entretiens au Service de Sécurité .
[76]. Voir les chiffres in M. STEINBERG, L'Étoile et le fusil, La Traque des Juifs, T III, vol. 2, p.231.
[77] . Voir notamment D. PESCHANSKI, Vichy 1940-1944 contrôle et exclusion, Ed. Complexe, Bruxelles, 1997, p. 144; A. COHEN, Persécution et sauvetage, Juifs et Français sous l'occupation et Vichy, Cerf, Paris, 1993, p.71.
[78]. Jusqu’au 27 septembre 1940, l’administration militaire d’occupation en France préférait une méthode “plus efficace”, à son estime, d’“une série de mesures individuelles, qui feront d'autant plus peur aux Juifs qu'elles seront moins systématiques, en d'autres termes qu'elles leur paraîtront plus arbitraires”(Voir CDJC LXXV-70, Note de l'administration en France non datée, cité d’après J. BILLIG, Le Commissariat Général aux Questions Juives 1941-1944, CDJC, Paris, 1957, t.1, p.27-28).
[79]. Rapport de Dannecker du 26.6.1942 in S. KLARSFELD, Vichy -Ausch­wit z, le rôle de Vichy dans la solution finale de la question juive en France , Fayard, Paris , 1983, vol. 1, p. 215.
[80]. Note de procès-verbal de Hagen, datée du 3 septembre 1942 sur l'entretien avec Laval, le 2.9.1942, ibidem, pp. 407-409.
[81]. Conseil des ministres, le 26 juin 1942, ibidem, p. 221.
[82]. Conseil des ministres, le 3 juillet 1942, ibidem, pp. 232-233.
[83]. Voir à ce propos le chapitre "entre les lignes" in M. STEINBERG, Les yeux du témoin et le regard du borgne, L'histoire contre le ré­visionnism e, Paris , Le Cerf, 1990.
[84]. Voir le rapport de Dannecker du 21 juillet 1942, in S. KLARSFELD, Vichy -Auschwitz , vol. 1, p. 278.
[85]. Voir convoi  n° 19 en date du 14 août 1942, in S. KLARSFELD, Mémo­rial de la déportation des Juifs de France , B. et S. Klarsfeld, Pa­ri s, 1978.
[86]. Rapport d'activité n°21 de l'administration militaire  pour la (période 1er juin-1er septembre 1942), le 15 septembre 1942, pp. A 38- 39 in S. KLARSFELD & M. STEINBERG, Dokument.., pp. 44-45.
[87]. Du 4 août au 15 septembre 1942, 10.038 Juifs furent déportés, dont 3.721, soit 37,05 %, étaient nés avant 1902 et 2.321, soit 23, 8 % après 1926. Voir S. KLARSFELD et M. STEINBERG, Le Mémorial de la Déportation des Juifs de Bel­giqu e, Bruxelles-New York, 1982.
[88]. Voir M. STEINBERG, "L’historique des convois”, in S. KLARSFELD et M. STEINBERG, Le Mémorial de la Déportation des Juifs de Bel­giqu e, Bruxelles-New York, 1994
[89]. Discours de Himmler à Posen, le 6 octobre 1943, in HIMMLER H., Discours secrets, Gallimard, Paris , 1978, pp. 167-169.
[90]. Rapport de Dannecker, du 20 juillet sur sa tournée en zone non occupée, texte allemand in S. KLARSFELD, Deutsche Dokumente, p. 95, version française in Vichy -Auschwitz , vol. 1, p.277.
[91]. Voir les chiffres publiés par G.WELLERS, "Le nombre de morts d'Auschwitz ", in Le Monde juif,
octobre-décembre 1983, p.153. Ses chiffres ne font pas le décompte des sélectionnés à l'arrêt de Kosel, sauf dans le cas belge.
[92]. Les chiffres ne comprennent pas les 351 Tzigane s également dépor­tés de Malines  à Auschwitz . Ils ont d'ailleurs tous été immatriculés au camp de concentration, à la différence de la masse juive déportée pour un génocide.
[93]. Rapport du lieutenant SS  Röthke sur l'évacuation des Juifs de zone non occupée, le 1.9.1942, in S. KLARSFELD, Vichy -Auschwitz , vol. 1, pp. 407-409.